Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/461

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il ne sollicita plus la société de personne. Au crépuscule, il regagna sa chambre. Pendant toute la nuit et une bonne partie de la matinée, nous l’entendîmes gémir et se parler à soi-même. Hareton aurait voulu entrer ; mais je lui dis d’aller quérir Mr Kenneth, qui viendrait l’examiner. Quand Kenneth arriva, je demandai à l’introduire et j’essayai d’ouvrir la porte. Je la trouvai fermée à clef et Heathcliff nous envoya au diable. Il allait mieux et voulait qu’on le laissât seul. Le docteur se retira.

La soirée qui suivit fut très humide : il plut à verse jusqu’au point du jour. En faisant ma ronde matinale autour de la maison, j’observai que la fenêtre du maître était grande ouverte et que la pluie fouettait à l’intérieur. « Il n’est pas possible qu’il soit dans son lit », pensai-je ; « il serait complètement trempé. Il faut qu’il soit levé ou sorti. Mais je ne vais plus faire de façons, je vais aller voir hardiment. »

Ayant réussi à entrer avec une autre clef, je courus aux panneaux pour les ouvrir, car la chambre était vide ; je me hâtai de les écarter et je regardai à l’intérieur. Mr Heathcliff était là… étendu sur le dos. Ses yeux rencontrèrent les miens… si perçants et si farouches que je tressaillis ; puis il parut sourire. Je ne pouvais le croire mort. Mais son visage et sa gorge étaient balayés par la pluie ; les draps dégouttaient, et il était parfaitement immobile. La fenêtre, qui battait, lui avait écorché une main qui était appuyée sur le rebord, le sang ne coulait pas de la plaie et, quand j’y portai les doigts, je n’en pus plus douter : il était mort et roide !

J’assujettis la fenêtre ; j’écartai de son front ses longs cheveux noirs ; j’essayai de lui fermer les yeux pour éteindre, s’il était possible, avant que personne d’autre pût le