Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leçons aux petits Linton et aux petits Earnshaw, et en cultivant lui-même son lopin de terre) conseilla d’envoyer le jeune homme au collège. Mr Earnshaw y consentit, bien qu’à contre-cœur, car il déclara : « Hindley n’est bon à rien et n’arrivera jamais à rien, où qu’il aille ».

J’espérais sincèrement que nous aurions désormais la paix. Il m’était pénible de penser que sa bonne action pût rendre mon maître malheureux. Je m’imaginais que son irritabilité, résultat de l’âge et de la maladie, ne provenait que de ses ennuis de famille, comme il voulait lui-même le faire croire. En réalité, vous savez, monsieur, c’est l’affaiblissement de sa constitution qui en était cause. Nous aurions cependant pu continuer de vivre assez tranquillement, sans deux personnes, Miss Cathy et Joseph, le domestique. Vous avez vu celui-ci là-haut, je pense. C’était, et c’est encore très vraisemblablement le plus odieux et le plus infatué pharisien qui ait jamais torturé une Bible afin d’en recueillir les promesses pour lui-même et d’en jeter les malédictions sur ses voisins. Par son adresse à sermonner et à tenir de pieux propos, il avait trouvé moyen de faire grande impression sur Mr Earnshaw ; et, plus le maître s’affaiblissait, plus l’influence de Joseph se développait. Il le tourmentait impitoyablement pour l’engager à s’occuper du salut de son âme et à élever ses enfants avec rigidité. Il l’encourageait à regarder Hindley comme un réprouvé, et tous les soirs il dévidait régulièrement un long chapelet d’histoires contre Heathcliff et Catherine ; il prenait toujours soin de flatter la faiblesse d’Earnshaw en chargeant surtout la dernière.

Certes, elle avait des manières à elle, comme je n’en avais encore jamais vu chez un enfant. Elle mettait à