Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/90

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si beau ! Si c’était moi, je suis sûre que je ne mourrais pas : j’irais mieux rien qu’à le regarder, en dépit de Kenneth, qui m’a rendue vraiment furieuse. Dame Archer avait descendu le chérubin au maître dans la salle, et la figure de celui-ci commençait à s’éclaircir, quand ce vieux grognon s’avance et dit : « Earnshaw, c’est une bénédiction que l’existence de votre femme ait pu être suffisamment prolongée pour qu’elle vous laisse ce fils. Quand elle est arrivée ici, j’étais convaincu que nous ne la conserverions pas longtemps ; et maintenant, je dois vous en avertir, l’hiver l’achèvera probablement. Ne vous lamentez pas, ne vous désolez pas trop : il n’y a rien à faire. Et puis vous auriez dû être mieux avisé que de choisir un pareil fétu de fille ! »

— Et qu’a répondu le maître ?

— Je crois qu’il a répondu par un juron ; mais je ne faisais pas attention à lui, je tâchais de voir le bébé.

Et elle recommença de le dépeindre avec ravissement. Aussi excitée qu’elle, je courus en hâte vers la maison afin de l’admirer pour mon compte. J’étais cependant très triste en pensant à Hindley. Il n’y avait place dans son cœur que pour deux idoles, sa femme et lui-même : il chérissait les deux, allait jusqu’à adorer l’une, et je me demandais comment il en pourrait supporter la perte.

Quand nous arrivâmes à Hurle-Vent, nous le trouvâmes à la porte de la façade. En passant je lui demandai comment allait le bébé.

— Presque prêt à courir, Nelly, répondit-il, avec un joyeux sourire.

— Et la maîtresse ? hasardai-je. Le docteur dit qu’elle est…

Il m’interrompit :

— Le diable emporte le docteur ! Et il rougit.