Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/98

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— Tu ne m’avais jamais dit que je parlais trop peu ou que ma compagnie te déplaisait, Cathy ! s’écria Heathcliff très agité.

— Ce n’est pas une compagnie du tout, quand les gens ne savent rien et ne disent rien, murmura-t-elle.

Son compagnon se leva, mais n’eut pas le temps de continuer d’exprimer ses sentiments, car on entendit sur les pavés le pas d’un cheval et, après avoir frappé discrètement, le jeune Linton entra, la figure brillante de joie d’avoir reçu cette invitation inattendue. Certainement Catherine remarqua l’opposition entre ses deux amis, comme l’un entrait et que l’autre sortait. Le contraste était analogue à celui qui vous frappe quand vous passez d’un pays minier, morne et montueux, à une belle et fertile vallée. La voix et la manière de saluer n’étaient pas moins dissemblables que l’aspect. Le langage d’Edgar était harmonieux, il parlait sur un ton peu élevé et prononçait ses mots comme vous : c’est-à-dire avec moins de rudesse, avec plus de douceur que nous ne faisons ici.

— Je ne suis pas venu trop tôt, n’est-ce pas ? dit-il en jetant un regard de mon côté. J’avais commencé à essuyer la vaisselle et à ranger quelques tiroirs dans le buffet, à l’extrémité de la pièce.

— Non, répondit Catherine. Que faites-vous là, Nelly ?

— Mon ouvrage, Miss, répondis-je (Mr Hindley m’avait recommandé d’être toujours en tiers dans ces visites de Linton à Catherine).

Elle s’approcha de moi par derrière et me dit à voix basse avec humeur :

— Allez-vous-en avec vos torchons. Quand il y a des visiteurs à la maison, les domestiques ne se mettent pas à frotter et à nettoyer dans la pièce où ils sont !