Page:Brontë - Un amant.djvu/100

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Je fis la commission auprès de Madame Earnshaw ; elle semblait avoir un peu de délire, et me répondit gaiement :

— C’est à peine si j’ai dit un mot, Ellen, et alors il s’en est allé deux fois en pleurant. C’est bien, dites-lui que je promets de ne pas parler ; mais cela ne m’empêchera pas de lui sourire !

Pauvre âme ! Jusqu’à la dernière semaine avant sa mort, cette joyeuse humeur ne lui a jamais manqué, et son mari persistait obstinément, non, furieusement à observer que sa santé s’améliorait tous les jours. Lorsque Kenneth l’avertit que ses remèdes étaient inutiles à ce degré de la maladie, et qu’il ne voulait pas l’exposer à d’autres dépenses en continuant à la soigner, il répliqua :

— Je sais que c’est inutile, elle va très bien, elle n’a plus besoin de vos soins. Elle n’a jamais été poitrinaire. Ce n’était qu’une fièvre, et elle est partie. Son pouls est aussi lent que le mien et ses joues aussi fraîches.

Il dit la même histoire à sa femme et elle sembla le croire ; mais une nuit, pendant qu’elle s’appuyait sur son épaule et lui disait qu’elle croyait pouvoir se lever le lendemain, un accès de toux la prit, un accès très léger. Hindley la souleva dans ses bras, elle passa ses deux mains autour de son cou, sa figure changea : elle était morte.

Comme la fille l’avait prédit, le petit Hareton tomba complètement entre mes mains. M. Earnshaw, en ce qui touchait son enfant était content pourvu qu’il le vit en bonne santé et ne l’entendit pas pleurer ; mais lui-même devenait désespéré, et son chagrin était de cette sorte qui n’admet pas les lamentations. Il ne pleurait ni ne priait, mais ne faisait que maudire et défier, exécrant Dieu et les hommes, et s’adonnant à une affreuse dissipation. Les domestiques ne pouvaient supporter longtemps sa conduite tyrannique et méchante : Joseph et moi étions les deux