Page:Brontë - Un amant.djvu/155

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bruns, appuyant sur les barreaux sa rude figure : mais un peu de réflexion me fit comprendre que ce devait être Hareton, et pas très changé depuis que je l’avais quitté, dix mois auparavant.

— Dieu te bénisse, mon chéri ! lui criai-je, oubliant à l’instant mes folles alarmes. Hareton, c’est Nelly ! Nelly ta nourrice.

Il se recula hors de prise de mon bras et ramassa un grand fusil.

— Je suis venue pour voir ton père, Hareton, ajoutai-je.

Il leva son arme pour tirer ; je commençai un discours pour l’apaiser, mais je ne pus retenir sa main. La pierre frappa mon bonnet ; et alors, des lèvres tremblantes du petit garçon, sortit un chapelet de jurons qui, soit qu’il les ait compris ou non, étaient prononcés avec une emphase exercée, et contournaient ses traits enfantins dans une horrible expression de méchanceté. Vous pouvez bien penser que ceci m’affligea plus que je n’en fus irritée. Prête à fondre en larmes, je tirai de ma poche une orange et l’offris pour me faire bien venir. D’abord il hésita, puis, l’arracha de mes mains comme s’il imaginait que j’avais l’intention de le tenter et de le désappointer. Je lui en montrai une autre, la tenant hors de sa prise.

— Qui est-ce qui vous a appris ces belles façons de parler, mon garçon ? lui demandai-je. Est-ce le curé ?

— Au diable le curé, et toi aussi ! donne-moi ça ! répliqua-t-il.

— Dites-moi où vous avez pris des leçons, et vous l’aurez, dis-je. Quel est votre maître ?

Il me répondit : « Mon diable de père ! »

— Et qu’est-ce que vous apprenez de votre père ?

Il s’élança sur le fruit, je l’élevai hors de sa portée.

— Et qu’est-ce qu’il vous apprend ? demandai-je.