Page:Brontë - Un amant.djvu/54

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sur l’autre. Nous sommeillâmes de compagnie jusqu’à ce que notre retraite fût envahie et que Joseph se montra. Il jeta un regard sinistre sur la petite flamme que j’avais excitée à reluire entre les deux chenêts ; il précipita le chat du poste élevé où il se tenait, et se mettant lui-même à sa place, il commença l’opération de bourrer de tabac une énorme pipe. Ma présence dans son sanctuaire lui parut évidemment un trait d’impudence trop honteux pour être remarqué ; il appliqua silencieusement sa pipe à ses lèvres, croisa les bras et souffla la fumée. Je le laissai jouir sans trouble de sa volupté ; quand il eut poussé sa dernière colonne de fumée, et émis un profond soupir, il se leva, s’en alla aussi solennellement qu’il était venu. Un pas plus élastique entra ensuite ; cette fois, j’ouvris ma bouche pour un « bonjour » mais je la refermai sans achever ma formule ; car c’était Hareton Earnshaw, qui s’acquittait sotto voce de ses oraisons, dans une série de jurons dirigés contre tous les objets qu’il touchait, pendant qu’il fouillait dans un coin à la recherche d’une bêche ou d’une pelle, sans doute pour se creuser un chemin dans la neige. Il jeta un regard sur le banc, dilata ses narines, et pensa qu’il était aussi inutile d’échanger des civilités avec moi qu’avec mon compagnon le chat. Je devinai par la vue de ses préparatifs que la sortie était enfin permise, et, quittant ma dure couche, je fis un mouvement pour le suivre. Il s’en aperçut et désigna une porte intérieure avec le bout de sa bêche, me donnant à entendre par un son inarticulé que c’était le lieu où je devais aller si je changeais de place. Cette porte donnait dans la maison où je trouvai les femmes déjà en mouvement. Zillah produisait d’énormes flammes dans la cheminée avec un colossal soufflet ; pendant que Madame Heathcliff, agenouillée sur le foyer, lisait un livre à la lumière du feu. Elle tenait sa main entre la chaleur de la