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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/146

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votre manufacture ; il est bon jardinier, donnez-lui là une place.

— Eh bien ! soit. Je le ferai demander demain matin, et nous verrons. Et maintenant, autre chose : vous êtes affligé de l’état de vos affaires.

— Oui. Une seconde faillite, que je peux différer, mais qu’en ce moment je ne vois aucun moyen d’éviter, déshonorerait complètement le nom de Moore ; et vous savez parfaitement que j’avais l’intention de payer toutes les dettes et de reconstituer la vieille maison sur sa première base.

— Vous manquez de capitaux, voilà tout.

— Oui ; mais vous pourriez aussi bien dire que la respiration est tout ce qui manque à un homme mort pour qu’il vive.

— Je le sais… je sais qu’il ne suffit pas de demander le capital pour l’obtenir ; et si vous étiez un homme marié, si vous aviez une famille, comme moi, je croirais votre cas bien près d’être désespéré ; mais les jeunes gens, maîtres d’eux-mêmes, ont des chances toutes particulières. J’entends causer de temps à autre de votre mariage avec miss telle ou telle. Mais je suppose qu’il n’y a rien de vrai.

— Vous avez raison de le supposer : je ne crois pas être en position de songer au mariage. Le mariage, je ne peux entendre prononcer ce mot, tant il me semble une chose extravagante et utopique. Je me suis habitué à considérer le mariage et l’amour comme des superfluités à l’usage des riches, qui vivent à l’aise et n’ont nul besoin de songer au lendemain ; ou comme le désespoir et la dernière et aveugle joie des misérables qui n’ont aucune chance de sortir du bourbier de leur abjecte pauvreté.

— Je ne penserais pas ainsi, si j’étais dans votre position. Je croirais très-possible de trouver une femme avec quelques mille livres sterling, qui conviendrait tout à la fois à moi et à mes affaires.

— Je voudrais bien savoir où.

— Voudriez-vous essayer, si cela se présente ?

— Je ne sais ; cela dépend… enfin cela dépend de beaucoup de choses.

— Voudriez-vous épouser une vieille femme ?

— J’aimerais mieux me voir réduit à casser des pierres sur la route.

— Moi aussi. En épouseriez-vous une laide ?