Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/175

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fût, qui oserait se donner des airs de fierté avec le recteur de sa paroisse ! vous ne pouvez penser cela.

— Non ; mais comment est-elle avec les autres personnes ?

— Je n’y ai fait aucune attention. Elle porte la tête haute et probablement sait prendre des airs d’arrogance quand elle l’ose ; autrement, elle ne serait pas femme. Allons, finissez-en donc avec votre chapeau. »

Naturellement timide, la perte de ses forces physiques et la dépression de ses esprits n’étaient pas de nature à donner à Caroline le courage de paraître devant des étrangers, ni à accroître sa présence d’esprit et son aisance de manières ; aussi, en dépit des remontrances de son oncle, tremblait-elle en traversant à côté de lui l’avenue large et pavée qui conduisait de l’entrée extérieure au porche de Fieldhead. Elle suivit avec répugnance M. Helstone, à travers ce porche, dans le vieux et sombre vestibule qui suivait.

Très-sombre en effet était ce vestibule, long, vaste et obscur ; une fenêtre grillée y laissait à peine pénétrer un jour douteux. Dans la vieille et large cheminée, le feu, inutile en cette saison, était remplacé par un amas de branches de saule. De la galerie on n’apercevait que les contours, tant ce vestibule allait s’obscurcissant vers le plafond. Des têtes de cerf sculptées, surmontées d’andouillers réels, se détachaient grotesquement sur les murs. Ce n’était là ni une grande ni une bien confortable résidence ; à l’intérieur comme à l’extérieur, elle était antique, irrégulière et incommode. Une propriété d’un revenu de mille livres sterling par an y était attachée, propriété qui était descendue, faute d’héritiers mâles, sur la tête d’une femme. Il y avait dans ce district des familles de commerçants qui se vantaient de posséder deux fois ce revenu ; mais les Keeldar, en vertu de leur ancienneté et de leur titre de seigneurs du manoir, avaient le pas sur toutes.

M. et miss Helstone furent introduits dans le parloir ; nécessairement, ainsi qu’il convenait à une vieille et gothique baraque comme Fieldhead, ce parloir avait des boiseries en chêne. Les beaux, sombres et luisants panneaux qui couvraient les murs, ne manquaient pas d’une certaine grandeur sévère. Ces panneaux bruns et luisants sont très-beaux, lecteur ; ils produisent un effet des plus harmonieux : mais si vous saviez au prix de quel labeur inhumain et exécrable cet effet est obtenu ! Quiconque, ayant des entrailles humaines, a vu les domestiques frotter à