Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/265

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la paroisse était la plus grande et la plus populeuse : Whinbury l’emportait de beaucoup sous ce rapport ; ni parce qu’elle était la plus ancienne : car, si antiques que fussent sa sombre église et sa rectorerie, le temple à basse toiture et le presbytère moussu de Nunnely, cachés tous deux sous des chênes séculaires, étaient encore plus âgés. C’était simplement parce que M. Helstone le voulait ainsi, et que la volonté de M. Helstone était plus puissante que celle de Boultby ou de Hall ; le premier ne pouvait pas, le second ne voulait pas disputer une question de préséance avec leur frère impérieux et résolu, et ils le laissaient conduire et gouverner.

Ce notable anniversaire avait toujours été un jour d’épreuve pour Caroline, parce qu’elle était forcée alors de se produire en public, et de se trouver en face de tout ce qu’il y avait de riche, de respectable, d’influent dans le voisinage, sans autre appui que celui que voulait bien lui accorder l’aimable bienveillance de M. Hall. Obligée d’être en évidence, de marcher en tête de son régiment, en qualité de nièce du recteur et de première maîtresse de sa classe ; obligée de préparer le thé à la première table pour une multitude mêlée de gentlemen et de ladies ; et tout cela sans l’appui d’une mère, d’une tante, ou d’un autre chaperon, elle qui était naturellement timide et redoutait la publicité, on comprendra facilement qu’elle dût trembler à l’approche de la Pentecôte.

Mais cette année Shirley serait avec elle, et cela changeait singulièrement l’aspect de l’épreuve ; cela le changeait même totalement : ce n’était plus une épreuve, c’était un plaisir. Miss Keeldar valait mieux à elle seule qu’une légion d’amis ordinaires. Entièrement maîtresse d’elle-même, remplie de vivacité et d’aisance, ayant conscience de son importance sociale et n’en tirant pas vanité, il suffisait de la regarder pour prendre courage. La seule crainte de Caroline était que Shirley ne fût pas ponctuelle. Elle avait souvent l’habitude de se faire attendre, et Caroline savait que son oncle n’attendrait pas une seconde pour qui que ce fût ; qu’au moment même où l’horloge sonnerait deux heures, les cloches se feraient entendre et la marche commencerait. Il fallait qu’elle s’assurât donc de l’exactitude de Shirley, afin que sa compagne attendue ne lui fît pas défaut.

Le mardi de la Pentecôte vit Caroline levée presque avec le soleil. Elle, Fanny et Élisa, furent occupées tout le matin à