Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/301

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comment il fallait faire, et, lorsqu’il le lui eut montré, elle ne le comprenait pas.

— Cela est absurde, Joe.

— Non, cela n’est point absurde : et miss Shirley que voilà, lorsque le maître parle de commerce, a l’air de l’écouter avec beaucoup d’attention, de suivre son raisonnement mot pour mot, comme si cela était aussi clair pour son intelligence que l’est son miroir pour ses yeux ; mais, pendant tout ce temps, elle regarde par la fenêtre pour s’assurer si la jument reste tranquille ; puis elle jette les yeux sur une éclaboussure qu’a reçue la jupe de son amazone ; ensuite elle passe en revue les toiles d’araignée et la poussière de nos magasins, pensant à notre malpropreté et à la magnifique promenade à cheval qu’elle va faire sur le territoire de Nunnely. Elle n’écoute pas plus les discours de M. Moore que s’il parlait hébreu.

— Joe, vous êtes une mauvaise langue. Je vous répondrais, si on ne sortait en ce moment de l’église ; nous sommes obligées de vous quitter. Homme à préjugés, au revoir ; William, au revoir. Enfants, venez à Fieldhead demain, et vous choisirez ce qui vous conviendra le mieux dans la chambre aux provisions de mistress Gill. »




CHAPITRE XVIII.

Une nuit d’été.


La nuit était venue. Un air serein favorisait l’illumination des étoiles.

« Il fera juste assez clair pour que je voie mon chemin d’ici à la maison, dit miss Keeldar, comme elle se préparait à prendre congé de Caroline à la porte du jardin de la rectorerie.

— Vous ne devez pas vous en aller seule, Shirley. Fanny vous accompagnera.

— C’est inutile. De quoi pourrais-je m’effrayer sur ma propre paroisse ? Je ferais volontiers le trajet de Fieldhead à l’église par une belle nuit d’été, trois heures plus tard qu’en ce mo-