Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/303

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— Je vous promets donc de demeurer avec Caroline, répondit Shirley. Comme vous le dites, nous jouirons du plaisir d’être ensemble ; nous ne nous séparerons pas de la nuit. Maintenant, allez rejoindre votre vieil ami, et ne craignez rien pour nous.

— S’il arrivait quelque trouble dans la nuit, capitaine, si vous entendiez crocheter une serrure, couper une vitre, ou des pas furtifs se glisser en quelque endroit de la maison (et je n’ai aucune crainte de vous dire, à vous qui portez un cœur fort et bien trempé sous votre corsage de satin, que ces petits incidents sont fort possibles dans les temps actuels), que pourriez-vous faire ?

— Je n’en sais rien, peut-être m’évanouir, tomber, pour me relever ensuite. Mais, docteur, si vous m’assignez le poste d’honneur, vous devez me donner des armes. Quelles armes renferme votre forteresse ?

— Vous ne pourriez manier une épée ?

— Non ; je me servirais mieux du couteau à découper.

— Vous en trouverez un excellent dans le buffet de la salle à manger ; un couteau de lady, léger à manier, et dont la pointe vaut celle d’un poignard.

— Ce sera l’affaire de Caroline ; mais vous me donnerez une paire de pistolets : je sais que vous avez des pistolets.

— J’en ai deux paires, et j’en laisse une à votre disposition. Vous les trouverez suspendus dans leur étui en cuir au-dessus du manteau de la cheminée de mon cabinet d’étude.

— Chargés ?

— Oui, mais non amorcés ; amorcez-les avant de vous mettre au lit. C’est vous faire un grand honneur que de vous les confier, capitaine.

— J’en aurai soin. Vous pouvez aller maintenant, monsieur Helstone… Il a été fort gracieux pour moi de me prêter ses pistolets, dit-elle, comme le recteur passait la porte du jardin. Mais venez, Lina, continua-t-elle ; entrons, et tâchons d’avoir à souper ; j’étais trop vexée pendant le thé par le voisinage de M. Sam Wynne pour pouvoir manger, et maintenant j’ai réellement faim. »

Entrant dans la maison, elles se dirigèrent vers l’obscure salle à manger, à travers les fenêtres ouvertes de laquelle entrait l’air du soir apportant les parfums embaumés des fleurs du jardin, le son lointain des pas qui s’éloignaient sur la route,