Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/305

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Elle les plaça sur la table devant son amie.

« Pourquoi désirez-vous veiller plus longtemps ? demanda miss Keeldar, prenant les pistolets, les examinant, puis les replaçant sur la table.

— Parce que je me sens excitée et en proie à une singulière agitation.

— Et moi aussi.

— Je me demande si cet état d’insomnie et d’excitation est produit par quelque chose d’électrique dans l’air.

— Non ; le ciel est pur, les étoiles innombrables ; la nuit est magnifique.

— Mais très-calme. J’entends l’eau du ruisseau de Hollow rouler sur son lit de cailloux, aussi distinctement que si elle coulait sous le mur du cimetière.

— Je suis contente que la nuit soit si calme ; un vent plaintif et une pluie battante me vexeraient en ce moment à me donner la fièvre.

— Pourquoi, Shirley ?

— Parce qu’ils rendraient inutiles tous mes efforts pour écouter.

— Est-ce que vous écoutez du côté de Hollow ?

— Oui ; c’est le seul point d’où nous puissions entendre un son en ce moment.

— Le seul, Shirley ? »

Toutes deux s’assirent auprès de la fenêtre, appuyèrent leurs bras sur l’appui, et inclinèrent leurs têtes vers la jalousie ouverte. Elles virent réciproquement leurs jeunes visages à la clarté des étoiles et de ce crépuscule de juin qui ne disparaît du couchant que lorsque l’aurore commence à poindre au levant.

« M. Helstone pense que nous n’avons aucune idée de l’endroit où il est allé, murmura miss Keeldar, ni de son but, ni de son attente, ni de ses préparatifs ; mais je devine bien des choses, et vous ?

— Je soupçonne quelque chose.

— Tous ces gentlemen, votre cousin Moore compris, pensent que nous sommes tranquillement à dormir dans nos lits, sans nous douter de rien.

— Sans nous occuper d’eux, sans crainte et sans espérance pour eux, » ajouta Caroline.

Toutes deux demeurèrent silencieuses pendant une demi--