n’eût pas voulu quitter la maison si elle avait été seule ; mais où Shirley allait, elle ne craignait point d’aller. Elle jeta les yeux sur l’arme déposée sur le buffet, mais elle la laissa derrière elle et vint se placer à côté de son amie. Elles n’osaient point regarder par-dessus le mur, de peur d’être aperçues ; elles furent obligées de s’accroupir derrière, et elles entendirent les paroles suivantes :
« Cela a l’air d’un vieux bâtiment isolé. Qui l’habite avec le satané recteur ?
— Seulement trois femmes : sa nièce et deux servantes.
— Savez-vous où elles couchent ?
— Les filles derrière ; la nièce dans une chambre sur le devant.
— Et Helstone ?
— Voilà sa chambre là-bas. Il a l’habitude d’avoir de la lumière toute la nuit, mais je n’en vois pas en ce moment.
— Par où entreriez-vous ?
— Si l’on m’ordonnait de lui faire son affaire, et il le mérite, j’essayerais d’entrer par la longue fenêtre là-bas : elle ouvre sur la salle à manger ; je pourrais trouver mon chemin à tâtons vers l’étage supérieur, et je connais sa chambre.
— Et que feriez-vous des trois femmes ?
— Je les laisserais tranquilles, à moins qu’elles ne voulussent crier ; dans ce cas, je les aurais bientôt apaisées. J’aimerais à surprendre le vieux diable endormi. S’il s’éveillait, il serait dangereux.
— A-t-il des armes ?
— Des armes à feu toujours, et toujours chargées.
— Alors vous êtes fou de nous arrêter ici. Un coup de feu donnerait l’alarme : Moore serait sur nous avant que nous ayons pu le surprendre. Nous manquerions notre principal but.
— Vous pouvez aller en avant, je vous dis : je me chargerais seul d’Helstone. »
Une pause suivit. Un homme de la troupe laissa tomber une arme qui résonna sur le pavé ; à ce bruit, le chien de la rectorerie se mit à aboyer de nouveau avec fureur.
« Voilà qui gâte tout, dit la voix. Il va s’éveiller ; un bruit pareil est capable de réveiller un mort. Vous ne nous aviez pas dit qu’il y avait un chien. Que le diable vous emporte ! En avant ! »