Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mistress Yorke plia son tricot, coupa court à la leçon de musique et à la discussion politique, et termina sa visite au cottage assez tôt pour retourner à Briarmains avant que le soleil eût tout à fait quitté l’horizon, ou que le sentier à travers la campagne fût devenu trop humide par la rosée.

La lady et ses filles étant parties, Caroline sentit qu’elle aussi devait prendre son écharpe, embrasser les joues de sa cousine et se diriger vers la rectorerie. Si elle restait plus tard, la nuit arriverait, et Fanny aurait la peine de la venir chercher ; elle se souvint que ce jour-là on cuisait le pain et on repassait le linge à la rectorerie, et que Fanny était fort occupée. Et cependant elle ne pouvait quitter son siège à la fenêtre du petit parloir. D’aucun point de vue le couchant ne pouvait paraître plus agréable que de cette fenêtre entourée de sa guirlande de jasmin, dont les étoiles blanches et les feuilles vertes se détachaient en formes gracieuses, mais sans couleur, sur l’azur doré d’un ciel d’août à huit heures du soir.

Caroline jetait les yeux sur la porte, à côté de laquelle s’élevaient de grands chênes ; elle regardait la haie de troènes et de lauriers s’entrelaçant tout près d’elle dans le jardin. Ses yeux désiraient voir autre chose que des arbustes, avant de quitter cette perspective limitée ; ils désiraient voir une figure humaine, d’une certaine forme et d’une certaine taille, passer la haie et entrer par la porte. À la fin elle vit une figure humaine, non, elle en vit deux : Frédéric Murgatroyd passa parla, portant une cruche d’eau ; Joe Scott le suivit, agitant dans sa main les clefs de la fabrique. Ils allaient fermer les portes de l’écurie et de la fabrique avant de rentrer chez eux.

« Je dois faire comme eux, pensa Caroline, se levant à moitié et soupirant. Tout cela n’est que folie, folie à briser le cœur, ajouta-t-elle. En premier lieu, je resterais jusqu’à la nuit, qu’il ne reviendrait personne ; car, je le sens dans mon cœur, le Destin l’a écrit dans la page de ce jour de son livre éternel, je ne dois pas avoir aujourd’hui le bonheur après lequel je soupire. En second lieu, s’il entrait en ce moment, ma présence serait un chagrin pour lui, et la conscience qu’il en serait ainsi glacerait mon sang. Sa main serait peut-être inerte et froide si je lui donnais la mienne, son œil serait peut-être obscurci si je cherchais son éclat. Si je cherchais cette animation que j’y ai vue dans les jours passés, lorsque mon visage, mon langage ou ma disposition, dans quelque