Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/377

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vations avant de se présenter. Le soleil était couché depuis longtemps déjà ; le passage était dans l’obscurité ; mais il ne faisait pas assez nuit pour qu’elle ne pût voir aussitôt Robert et Hortense le traverser.

« Caroline ! Caroline ! s’écria Hortense un moment après ; venez voir mon frère !

— C’est étrange ! se disait miss Helstone ; c’est plus qu’étrange ! pourquoi cette excitation à propos d’un fait si commun et si simple qu’un retour de marché ? Aurait-elle perdu la tête ? est-ce que les confitures brûlées lui auraient détraqué le cerveau ? »

Elle descendit légèrement émue : elle le fut bien davantage encore, lorsque Hortense la saisit par la main à l’entrée du parloir, et la conduisant à Robert, dont la grande taille se dressait dans le clair-obscur auprès de l’unique fenêtre, la présenta avec un mélange d’agitation et de formalité, comme s’ils eussent été tout à fait étrangers et que ce fût leur première entrevue.

L’embarras de Caroline allait croissant. Il salua d’une façon un peu timide, et se détournant d’elle avec l’embarras d’un étranger, son visage fut éclairé par la lumière douteuse de la fenêtre : l’énigme du rêve (car tout cela semblait un rêve) fut à son apogée. Caroline vit un visage qui ressemblait à celui de Robert, mais qui cependant n’était pas le sien.

« Qu’est-ce que cela signifie ? dit Caroline. Est-ce que mes yeux me trompent ? est-ce là mon cousin ?

— Certainement, c’est votre cousin, » affirma Hortense.

Alors, quel était celui qui traversait en ce moment le corridor, qui entrait dans la chambre ? Caroline rencontra en se retournant un nouveau Robert, le vrai Robert, comme elle le sentit à l’instant.

« Eh bien, dit-il en souriant à son air étonné et interrogateur, lequel est Robert ?

— Ah ! c’est vous, répondit-elle.

— Je le crois, dit-il en riant ; et lui, savez-vous qui il est ? vous ne l’avez jamais vu encore, mais vous avez entendu parler de lui. »

Elle se recueillit un instant.

« Ce ne peut être qu’une seule personne : votre frère, puisqu’il vous ressemble si fort, mon autre cousin, Louis.

— Remarquable petit Œdipe ! vous eussiez vaincu le