Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/425

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Elle plaça sur la table un verre de lait frais, une assiette de quelque chose qui ressemblait assez à du cuir, et un objet qui avait la forme d’une fourchette.

« Que faites-vous donc là tous deux, mettant au pillage le bureau de M. Moore ?

— Nous examinons vos cahiers d’exercices, répondit Caroline.

— Mes vieux cahiers d’exercices ?

— Des cahiers d’exercices français. Voyez ! On doit y attacher du prix ; ils sont conservés soigneusement. »

Elle montrait le paquet. Shirley le saisit :

« Je ne savais pas qu’un seul existât encore, dit-elle. Je pensais que le tout avait servi depuis longtemps à allumer le feu, ou à faire les papillotes des servantes de Sympson-Grove. Pourquoi les avez-vous conservés, Henry ?

— Ce n’est pas moi qui les ai conservés. Je n’y aurais jamais songé. Il n’est jamais entré dans ma tête que des cahiers d’exercices fussent bons à quelque chose. M. Moore les avait placés là dans le tiroir le plus caché de son bureau ; il les a sans doute oubliés.

— C’est cela ; il les a oubliés, sans doute, répéta Shirley. Ils sont extrêmement bien écrits, dit-elle avec complaisance.

— Quelle petite fille étourdie vous étiez en ce temps-là, Shirley ! je me le rappelle si bien : vous étiez si svelte et si légère que, bien que vous fussiez grande, je pouvais vous enlever du plancher. Je vous vois encore avec votre abondante et longue chevelure et votre robe flottante. Vous aviez coutume de rendre gai M. Moore, c’est-à-dire dans le commencement. Je crois que par la suite vous lui donniez du chagrin. »

Shirley tourna les feuillets manuscrits et garda le silence ; un instant après elle dit : « Ceci fut écrit dans une après-midi d’hiver ; c’est la description d’un effet de neige.

— Je me rappelle, » dit Henry. M. Moore, après l’avoir lue s’écria : « Voilà le français gagné. Il dit que c’était très-bien. Ensuite vous lui fîtes dessiner, à la sépia, le passage que vous aviez décrit.

— Vous n’avez donc pas oublié, Henry ?

— Nullement. Nous fûmes tous réprimandés ce soir-là, pour n’être pas descendus au thé lorsqu’on nous avait appelés. Je me rappelle mon précepteur assis à son chevalet, et vous de-