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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/458

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roline Helstone. Elle était polie, aimable, attentive même pour ses cousines ; mais cependant elle n’avait habituellement que peu de chose à leur dire. Dans sa brillante humeur de cette matinée exceptionnelle, elle s’efforça de suivre la conversation même avec les misses Sympson. Sans s’écarter de sa règle habituelle de ne discuter avec elles que des sujets ordinaires, elle donna à ses sujets un intérêt particulier ; les étincelles de son esprit pétillaient dans ses phrases.

Qui la rendait si joyeuse ? Les causes de sa gaieté devaient assurément venir d’elle-même. Le jour n’était pas beau ; c’était un pâle et brumeux jour d’automne : les promenades à travers les bois sombres étaient humides ; l’atmosphère était lourde, le ciel couvert ; et cependant il semblait que dans le cœur de Shirley fussent toute la lumière et le ciel d’azur de l’Italie, comme toute son ardeur étincelait dans son œil gris.

Quelques instructions à donner à son directeur d’exploitation, John, la retinrent en arrière de ses cousines, lorsqu’elles approchèrent de Fieldhead à leur retour ; peut-être s’écoula-t-il un intervalle de vingt minutes entre le moment où elle les quitta et son retour à la maison. Pendant ce temps elle avait parlé à John, puis elle s’était arrêtée dans l’avenue près de la porte. L’appel pour le goûter la fit entrer : elle s’excusa de ne point prendre part au repas, et monta à l’étage supérieur.

« Est-ce que Shirley ne vient pas au goûter ? demanda Isabelle ; elle a dit qu’elle avait faim. »

Une heure après, comme elle n’avait pas quitté sa chambre, une de ses cousines alla la chercher. Elle fut trouvée assise au pied du lit, la tête appuyée sur ses mains : elle paraissait tout à fait pâle, très-pensive, presque triste.

« Vous n’êtes pas malade ? lui fut-il demandé.

— Un peu indisposée, » répondit miss Keeldar.

Certainement, elle était bien différente de ce qu’elle avait été deux heures auparavant.

Ce changement constaté par ces trois mots et non autrement expliqué ; ce changement, de quelque côté qu’il vînt, effectué en dix minutes, ne passa pas comme un léger nuage d’été. Elle causa lorsqu’elle joignit ses amis au dîner, elle causa comme de coutume ; elle demeura avec eux pendant la soirée ; questionnée de nouveau sur sa santé, elle déclara qu’elle était tout à fait remise : ce n’avait été qu’une faiblesse, une indisposition d’un moment, qui ne méritait pas qu’on y fît attention :