Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/462

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— Qu’avez-vous appris, alors ? Quelle nouvelle circonstance… ?

— J’ai appris qu’elle vient de faire son testament.

— Son testament ! »

Le précepteur et l’élève gardèrent le silence.

« Elle vous a dit cela ? demanda Moore, après quelques minutes.

— Elle me l’a dit tout à fait gaiement ; non pas comme une circonstance de funeste présage, ainsi que je le pensais. Elle m’a dit que j’étais la seule personne, outre son solicitor, Pearson Hall, M. Helstone et M. Yorke, qui sût quelque chose sur ce sujet ; et elle m’a dit qu’elle voulait spécialement m’en expliquer les dispositions.

— Continuez, Harry.

— « Parce que, » a-t-elle dit en fixant sur moi ses beaux yeux, oh ! comme ils sont beaux, monsieur Moore ! je les aime ! je l’aime ! Elle est mon étoile. Le ciel ne doit pas la réclamer. Elle est aimable en ce monde, et douée pour ce monde. Shirley n’est pas un ange : elle est femme, et elle doit vivre avec les hommes. Les séraphins ne l’auront pas ! Monsieur Moore, si un des fils de Dieu, aux ailes larges et brillantes comme l’azur, bleues et bruissantes comme la mer, l’ayant vue si belle, descendait pour la réclamer, sa prétention serait combattue, combattue par moi, tout enfant et boiteux que je sois.

— Henry Sympson, continuez, qu’a-t-elle dit encore ?

— « Parce que, a-t-elle dit, si je ne faisais pas ce testament et que je vinsse à mourir avant vous, Harry, toute ma fortune vous reviendrait ; et je ne voudrais pas qu’il en fût ainsi, quoique je sois persuadée que votre père n’en serait pas fâché. Mais vous, a-t-elle dit, vous aurez tout son domaine, qui est grand, plus grand que Fieldhead ; vos sœurs n’auront rien, et je leur ai laissé quelque argent, quoique je ne les aime ni l’une ni l’autre pas la moitié autant que j’aime une mèche de vos beaux cheveux. Elle m’a dit cela, et elle m’a appelé son chéri et m’a laissé l’embrasser. » Elle m’a dit ensuite qu’elle avait légué aussi quelque argent à Caroline Helstone ; que ce manoir, avec son mobilier et ses livres sterling, m’était légué, parce qu’elle ne voulait pas que l’ancienne demeure de sa famille allât à des étrangers ; et que toute le reste de sa fortune, montant à environ douze mille livres en dehors des legs de mes sœurs et de miss Helstone, elle l’avait légué non à moi, qui