Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/470

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D’ailleurs, il peut n’avoir aucun fâcheux résultat. Dieu le sait ! »

Moore, bien que torturé par l’attente, ne demanda pas une prompte explication. Il ne permit à aucun geste, à aucun regard, à aucun mot, de trahir son impatience. Sa contenance calme tranquillisa Shirley ; sa confiance la rassura.

« De grands effets peuvent naître de petites causes, » fit-elle remarquer en détachant un bracelet de son poignet ; puis déboutonnant sa manche et la relevant en partie : « Regardez là » dit-elle à M. Moore.

Elle fit voir une marque sur son bras blanc, ou plutôt une dentelure profonde, quoique cicatrisée : quelque chose entre une brûlure et une coupure.

« Je ne voudrais pas montrer cela à qui que ce fût dans Briarfield, excepté à vous, parce que vous pouvez prendre la chose tranquillement.

— Certainement, il n’y a rien dans cette petite marque qui puisse effrayer ; son histoire en donnera l’explication.

— Toute petite qu’elle est, elle m’a enlevé mon sommeil, elle m’a rendue nerveuse, maigre et folle, parce que cette petite marque me fait penser à une possibilité qui a ses terreurs. »

La manche fut rajustée, le bracelet replacé.

« Savez-vous que vous m’éprouvez ? dit Moore en souriant. Je suis un homme très-patient, mais je sens mon pouls précipiter ses pulsations.

« Quoi qu’il arrive, je compte sur votre amitié, monsieur Moore. Vous mettrez à mon service votre sang-froid, et ne me laisserez pas à la merci de lâches effrayés ?

— Je ne fais aucune promesse à présent. Racontez-moi l’histoire, et exigez ensuite telle promesse qu’il vous plaira.

— C’est une très-courte histoire. Je fis un jour une promenade avec Isabelle et Gertrude, il y a environ trois semaines. Elles arrivèrent à la maison avant moi. J’étais demeurée en arrière pour parler à John. Après l’avoir quitté, je me plus à rester un peu dans l’avenue, où tout était calme et ombreux ; j’étais fatiguée de causer avec ces jeunes filles, et nullement pressée de les rejoindre. Comme je me trouvais appuyée à côté de la grande porte, absorbée dans de très-heureuses pensées concernant mon avenir, car, ce matin-là, je m’imaginais que les événements commençaient à tourner comme je le désirais depuis longtemps…