laid, et cependant je l’ai aimé ; mais, pour parler du temps présent…
— Ah ! le temps présent.
— Pour quitter les rêveries d’écolière et arriver à la réalité…
— La réalité ! voilà l’épreuve où vous voulez arriver, madame.
— Pour avouer devant quel autel maintenant je m’agenouille, pour révéler l’idole actuelle de mon âme…
— Hâtez-vous, s’il vous plaît ; l’heure du goûter approche, et il faut que vous me fassiez votre confession.
— Il faut que je me confesse : mon cœur est plein du secret ; il faut que je le dévoile. Seulement je voudrais que vous fussiez M. Helstone, au lieu d’être M. Sympson ; vous sympathiseriez mieux avec moi.
— Madame, ceci est une question de sens commun et de prudence ordinaire, et non une affaire de sympathie et de sentiment. Avez-vous dit que c’était M. Helstone ?
— Non pas précisément, mais aussi près que possible ; ils ont beaucoup de ressemblance.
— Je veux savoir le nom ; je veux connaître les détails.
— Ils sont positivement ressemblants ; leur visage est le même : c’est une paire de faucons humains, secs, absolus et décidés tous deux. Mais mon héros est le plus puissant des deux : son intelligence a la clarté de la mer profonde, la patience de ses rocs, la force de ses vagues.
— Pur galimatias !
— Je puis dire qu’il est rude comme le tranchant d’une scie, brusque comme un corbeau affamé.
— Miss Keeldar, cette personne réside-t-elle à Briarfield ? Répondez à cela.
— Mon oncle, je vais vous le dire, son nom tremble sur ma langue.
— Parlez, fille !
— C’est très-bien dit, mon oncle ! « Parlez, fille ! » est tout à fait tragique. L’Angleterre a hurlé avec sauvagerie contre cet homme, mon oncle ; un jour elle l’acclamera avec frénésie. Il n’a pas été effrayé par les clameurs, et il ne sera pas enflé par l’acclamation.
— Je disais qu’elle était folle, elle l’est.
— Cette nation changera et changera encore de conduite envers lui : il ne changera jamais dans sa manière de remplir