Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/535

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Il n’était alors que trois heures et demie ; la matinée avait été belle, mais le ciel s’était assombri : il commençait à neiger et le vent était glacial. Le bois avait un air triste ; les vieux arbres étaient terribles à voir. Cependant Martin était content de trouver cette ombre sur son chemin. Il trouvait un charme dans l’aspect des vieux chênes, qui ressemblaient à des spectres.

Il dut attendre : il se promena de long en large, pendant que les flocons de neige tombaient plus serrés. Le vent, qui auparavant pleurait, hurlait alors d’une façon lamentable.

« Elle est bien longtemps à venir, murmurait-il en regardant le long de l’étroit sentier. Je ne sais, se disait-il, pourquoi je désire si fort la voir. Elle ne vient pas cependant pour moi ; mais j’ai un pouvoir sur elle, et j’ai besoin qu’elle vienne, afin que je puisse exercer ce pouvoir. »

Il continua sa promenade.

« Si elle manque de venir, reprit-il après un instant, je la haïrai, je la mépriserai. »

Quatre heures sonnèrent. Il entendit au loin l’horloge de l’église. Un pas si vif, si léger que, sans le bruit des feuilles, on l’eût à peine entendu sur le sentier du bois, mit fin à son impatience. Le vent soufflait furieusement alors, et la neige tombait d’une façon effrayante ; mais néanmoins elle venait, et sans crainte. »

« Eh bien ! Martin, dit-elle avec empressement, comment va-t-il ?

— C’est étrange, comme elle pense à lui ! se dit Martin ; la neige et le froid ne lui font rien, je crois ; cependant ce n’est qu’une enfant, comme dirait ma mère. Je voudrais avoir un manteau pour l’envelopper dedans. »

Plongé ainsi dans ses réflexions, il négligeait de répondre à miss Helstone.

« Vous l’avez vu ?

— Non.

— Oh ! vous m’aviez promis que vous le verriez.

— Je crois pouvoir faire pour vous mieux que cela. Ne vous ai-je pas dit que je ne me souciais pas de le voir ?

— Mais maintenant il se passera si longtemps avant que j’apprenne quelque chose de certain sur lui ! et l’incertitude me rend malade. Martin, voyez-le, je vous prie ; assurez-le de l’intérêt que lui porte Caroline Helstone ; dites-lui qu’elle désire-