Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/558

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que vous soupçonnez. Ce n’est pas une personne à proclamer de telles choses ; mais cependant j’ai inféré quelque chose de ses paroles : j’en ai recueilli davantage par la rumeur publique, et mon instinct a fait le reste.

— Mais si elle ne vous a pas dit que je désirais l’épouser pour l’amour de sa fortune, et qu’elle m’a refusé avec indignation et mépris (vous n’avez pas besoin de tressaillir et de rougir, ni de piquer ainsi vos doigts tremblants avec votre aiguille : c’est la vérité toute nue, qu’elle vous plaise ou non), si telle n’a pas été le sujet de ses augustes confidences, sur quel point ont-elles roulé ? Vous dites que vous avez causé toute la nuit : sur quoi ?

— Sur des choses que nous n’avions jamais discutées complètement auparavant, quoique nous fussions amies. Mais vous n’attendez pas que je vous dise cela ?

— Oui, oui, Cary, vous me le direz ; vous avez dit que nous étions amis, et les amis doivent toujours se confier leurs secrets.

— Mais vous êtes sûr que vous ne le répéterez pas ?

— Bien sûr !

— Pas même à Louis ?

— Pas même à Louis ! Qu’a à faire Louis avec des secrets de jeune lady ?

— Robert, Shirley est une curieuse, une magnanime créature.

— J’ose le dire. Je m’imagine qu’il y a en elle quelque chose de singulier et de grand.

— Je l’ai trouvée circonspecte à laisser voir ses sentiments ; mais comme ils font irruption comme un fleuve et passent devant vous pleins et puissants, presque à son insu, vous la regardez, vous vous étonnez, vous l’admirez, vous l’aimez.

— Vous avez vu ce spectacle ?

— Oui, dans l’obscurité de la nuit, lorsque toute la maison faisait silence, que le scintillement des étoiles et le froid reflet de la neige brillaient faiblement dans notre chambre ; c’est alors que j’ai vu le cœur de Shirley.

— Le fond de son cœur ? Pensez-vous qu’elle vous ait montré cela ?

— Le fond de son cœur.

— Et comment était-il ?

— Comme un tabernacle, car il était saint ; comme la neige, car il était pur ; comme une flamme, car il était ardent ; comme la mort, car il était fort.