voix ineffablement douce. Par compassion, elle n’eût pas imposé silence à un de ses charmes : peut-être ne savait-elle pas ce que j’éprouvais.
« Vous m’appelez léoparde ; souvenez-vous que la léoparde est indomptable.
— Apprivoisée ou féroce, sauvage ou domptée, vous êtes à moi.
— Je suis aise de connaître mon gardien, et je suis habituée à lui. Sa voix seule je suivrai ; sa main seule saura me gouverner ; c’est à ses pieds seulement que je veux reposer. »
Je la portai sur son siége et je m’assis à côté d’elle ; j’avais besoin de l’entendre parler encore ; je ne pouvais jamais me rassasier de sa voix, de ses paroles.
« Combien m’aimez-vous ? lui demandai-je.
— Ah ! vous le savez, je ne veux pas vous flatter.
— Je ne sais pas la moitié de ce que je voudrais savoir ; mon cœur implore sa nourriture ; si vous saviez combien il est affamé et féroce, vous vous hâteriez de l’apaiser avec un ou deux mots aimables.
— Pauvre Tartare ! dit-elle, touchant et frappant doucement ma main ; pauvre compagnon, fidèle ami, l’idole et le favori de Shirley, couchez-vous !
— Mais je ne veux pas me coucher avant d’être rassasié par un tendre mot. »
Et à la fin elle me le donna.
« Cher Louis, soyez-moi fidèle, ne me quittez jamais, je me soucie peu de la vie, si je ne peux la passer à votre côté.
— Quelque chose de plus. »
Elle changea du sujet. Ce n’était pas son habitude d’offrir deux, fois le même plat.
« Monsieur, dit-elle en se levant tout à coup, à vos risques, ne parlez jamais de choses sordides ; comme d’argent, de pauvreté, d’égalité. Il serait absolument dangereux de me tourmenter avec ces stupides scrupules. Je vous défends de le faire. »
Mon visage devint rouge ; je désirai une fois de plus n’être pas si pauvre, ou qu’elle fût moins riche. Elle vit mon angoisse passagère, et me donna une caresse. Mon tourment se changea en extase.
« Monsieur Moore, dit-elle en me regardant avec un visage doux, ouvert et animé, apprenez-moi, aidez-moi à être