Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/590

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sipateur. Quand M. Donne se mettait en campagne pour ses expéditions de mendicité, il se couvrait d’une armure complète de mailles d’airain ; vous lui auriez donné hier une centaine de guinées, que ce n’était pas une raison pour que vous ne lui en donnassiez pas deux cents aujourd’hui. Il vous eût tenu en face ce langage, et dix fois pour une vous lui auriez donné votre argent. On lui donnait pour se débarrasser de lui. Après tout, il faisait quelque bien avec cet or, et était utile à ses semblables.

Peut-être dois-je faire remarquer qu’à la profonde et soudaine disparition de M. Malone de la scène de la paroisse de Briarfield (vous ne pouvez savoir comment elle arriva, lecteur ; votre curiosité sera frustrée, afin de ne point choquer votre élégant amour du joli et de l’amusant), il vint pour le remplacer un autre vicaire irlandais, M. Macarthey. Je suis heureux de pouvoir vous apprendre, avec vérité, que ce gentleman fit autant d’honneur à son pays que Malone lui fit de discrédit. Il se montra décent, bien élevé et consciencieux, autant que Pierre était rampant, bruyant et… Je supprime cette dernière épithète, parce que ce serait mettre le chat hors du sac. Il travailla avec zèle au bien de la paroisse ; les écoles du dimanche et celles de la semaine fleurirent sous sa direction comme des lauriers. Étant humain, il avait certainement ses défauts ; ceux-là cependant étaient les défauts de son état, ce que beaucoup nommeraient des vertus. La circonstance de se trouver invité à un thé avec un dissident l’eût mis hors de son assiette pour une semaine ; le spectacle d’un quaker gardant son chapeau sur la tête à l’église, la pensée d’une petite créature morte sans baptême, enterrée avec les rites du culte, ces choses pouvaient faire un étrange ravage dans l’économie physique et intellectuelle de M. Macarthey ; autrement, il était sain et raisonnable, diligent et charitable.

Je ne doute pas que le public qui aime la justice n’ait remarqué jusqu’ici que j’ai apporté une criminelle nonchalance à poursuivre, saisir et conduire à un châtiment mérité l’assassin de M. Moore. C’était une belle occasion de mener, pour mes lecteurs qui aiment ces choses, un branle à la fois honnête et excitant ; une danse où se seraient trémoussés la loi et l’Évangile, le donjon, le dock et le gibet. Vous auriez peut-être aimé cela, lecteur, mais moi non. Je me serais bientôt querellé avec mon sujet, et je l’aurais abandonné. J’ai été heureux que