Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/644

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comme souricière par le jardinier ; puis, non sans avoir de nouveau essayé vainement d’amener le petit tyran à laisser remporter les oiseaux, je lui demandai ce qu’il voulait en faire. Avec une joie diabolique, il m’énuméra sa liste de tourments. Je laissai alors tomber la pierre sur les oiseaux et les écrasai d’un seul coup. Violents furent les cris, terribles les malédictions qui suivirent cet acte hardi. L’oncle Robson venait de monter l’allée avec son fusil, et s’arrêtait en ce moment pour corriger son chien. Tom s’élança vers lui, jurant et lui criant de me corriger à la place de Junon. M. Robson s’appuya sur son fusil et rit beaucoup de la violence de son neveu, ainsi que des malédictions et des outrageantes épithètes dont il m’accablait,

« Bien, vous êtes un bon diable ! s’écria-t-il à la fin en prenant son fusil et se dirigeant vers la maison. Il y a quelque chose chez ce garçon-là. Je veux être maudit si jamais je vis plus noble petit vaurien que celui-là. Il s’est déjà affranchi du gouvernement des jupons ; il brave mère, grand’mère, gouvernante et toutes… Ah ! ah ! ah ! Ne pensez plus à cela, Tom, je vous trouverai une autre nichée demain.

— Si vous le faites, monsieur Robson, je la tuerai aussi, dis-je.

— Hum ! » répondit-il. Et, m’ayant honoré d’un regard hautain que, contre son attente, je soutins sans sourciller, il tourna les talons d’un air de suprême mépris et entra dans la maison.

Tom le suivit et alla tout raconter à sa mère. Il n’était pas dans les habitudes de celle-ci de parler beaucoup sur aucun sujet ; quand je parus, je trouvai sa figure et sas manières doublement sombres et glaciales. Après quelques remarques banales sur le temps, elle dit :

« Je suis fâchée, miss Grey, que vous jugiez nécessaire d’intervenir dans les amusements de monsieur Bloomfield. Il a été très-désespéré de vous avoir vue détruire ses oiseaux.

— Quand les amusements de monsieur Bloomfield consistent à torturer des créatures qui sentent et souffrent, répondis-je, je pense qu’il est de mon devoir d’intervenir.

— Vous semblez avoir oublié, répondit-elle avec calme, que les créatures ont été toutes créées pour notre usage et notre plaisir. »

Je pensais que cette doctrine admettait quelque doute, mais je me bornai à répondre :

« En admettant qu’il en soit ainsi, nous n’avons aucun droit de les torturer pour notre amusement.