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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/665

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Souvent ils voulaient apprendre leurs leçons au grand air ; ce à quoi je n’avais à faire aucune objection, excepté que je m’enrhumais souvent en m’asseyant sur l’herbe humide ou en m’exposant à la rosée du soir, ce qui semblait ne produire aucun mauvais effet sur eux. C’était fort bien qu’ils fussent robustes ; pourtant on eût pu leur apprendre à avoir quelque considération pour ceux qui l’étaient moins. Mais je ne dois point les blâmer pour ce qui peut-être était ma propre faute : car je ne fis jamais une objection pour m’asseoir où ils voulaient, préférant follement en subir les conséquences, plutôt que de les contrarier. La manière indécente dont ils exécutaient leurs leçons était aussi remarquable que le caprice qu’ils montraient dans le choix du temps et de la place. Pendant qu’ils recevaient mes instructions ou répétaient ce qu’ils avaient appris, ils s’étendaient sur le sofa, se roulaient sur le tapis, s’étiraient, bâillaient, se parlaient l’un à l’autre, ou regardaient par la fenêtre. Quand à moi je ne pouvais tisonner le feu ou ramasser le mouchoir que j’avais laissé tomber, sans être taxée d’inattention par un de mes élèves, ou m’entendre dire que « maman n’aimerait pas que je fusse aussi insouciante. »

Les domestiques, voyant le peu de cas que parents et élèves faisaient de la gouvernante, réglaient leur conduite en conséquence. J’ai souvent pris parti pour eux contre la tyrannie de leurs jeunes maîtres et maîtresses, et je m’efforçais toujours de leur causer le moins de dérangement possible. Eh bien ! ils négligeaient entièrement mon bien-être, ne faisaient nulle attention à mes requêtes, et méprisaient mes conseils. Tous les domestiques, j’en suis convaincue, n’eussent pas agi comme ceux-là ; mais en général, étant ignorants et peu habitués à la réflexion et au raisonnement, ils sont aisément corrompus par le mauvais exemple de ceux qui sont au-dessus d’eux ; et ceux-ci, je pense, n’étaient pas des meilleurs.

Quelquefois je me sentais dégradée par la vie que je menais, et honteuse de me soumettre à tant d’indignités ; d’autres fois, je me reprochais de m’en trop affecter et de manquer de cette humilité chrétienne ou de cette charité qui « souffre longtemps et reste bonne, ne cherche point son propre contentement, ne s’irrite pas aisément, supporte tout, endure toutes choses. » Mais avec le temps et de la patience, la position commença à s’améliorer, lentement, il est vrai, et d’une manière imperceptible. Je fus débarrassée des deux garçons, ce qui n’était pas peu de