Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/686

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lant d’aller à l’église et d’assister au service, il n’a pas eu l’intention de vous dire que c’était là tout le devoir d’un chrétien : il pensait que vous pourriez apprendre là ce qu’il faut faire en outre, et que vous seriez amenée peu à peu à prendre du plaisir à ces exercices, au lieu de les regarder comme une tâche et un fardeau. Et si vous lui aviez demandé de vous expliquer ces mots qui vous troublent tant, je crois qu’il vous eût dit que s’il y en a beaucoup qui cherchent à entrer par la porte étroite et qui ne le peuvent pas, ce sont leurs propres péchés qui les en empêchent ; absolument comme un homme chargé d’un gros sac, qui voudrait passer par une porte étroite et qui ne pourrait y parvenir qu’en laissant le sac derrière lui. Mais vous, Nancy, je ne crains pas de le dire, vous n’avez point de péchés dont vous ne seriez aise de vous débarrasser, si vous saviez comment. — Ah ! monsieur, vous dites la vérité, répondis-je. — Eh bien, continua-t-il, vous connaissez le premier et grand commandement, et le second qui est semblable au premier, commandements qui renferment toute la loi et les prophètes ? Vous dites que vous ne pouvez aimer Dieu. Mais je pense que, si vous pouviez sainement considérer ce que c’est que Dieu, vous trouveriez remède à cela. Dieu est votre père, votre meilleur ami ; tout bienfait, tout ce qui est bon, agréable ou utile, vient de lui ; tout ce qui est mal, tout ce que vous avez raison de haïr, de mépriser et de craindre, vient de Satan, son ennemi aussi bien que le nôtre. C’est pour cela que Dieu s’est manifesté dans la chair, afin de pouvoir détruire l’œuvre du démon. En un mot, Dieu est amour, et plus nous avons en nous d’amour, plus nous sommes rapprochés de lui, plus nous possédons de son esprit. — Ah ! monsieur, dis-je, si je peux toujours penser à ces choses, je crois que je pourrai toujours bien aimer Dieu ; mais comment puis-je aimer mes semblables, lorsqu’ils me font du mal, et sont pour la plupart si méchants et si pécheurs ? — Cela peut sembler difficile, dit-il, d’aimer nos semblables, qui sont si imparfaits et dont les fautes souvent éveillent le mal qui est en nous. Mais souvenez-vous que c’est Dieu qui les a faits et qu’il les aime ; que quiconque aime celui qui a engendré, aime aussi celui qui a été engendré ; et que si Dieu nous a aimés au point de laisser mourir pour nous son Fils unique, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. Mais si vous ne pouvez éprouver une affection positive pour ceux qui ne se soucient pas de vous, vous pouvez au moins tâcher de