Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/695

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revinsse la nuit. D’ailleurs il ne pleut presque plus ; ainsi bonsoir, Nancy ; bonsoir, miss Grey.

— Bonsoir, monsieur Weston ; mais ne comptez pas sur moi pour faire votre paix avec M. Murray, car je ne le vois jamais, du moins pour lui parler.

— Vraiment ! Tant pis alors, » reprit-il d’un ton de douloureuse résignation ; puis avec un sourire tout particulier, il ajouta : « Mais n’y pensez plus. J’imagine que le squire a plus besoin de se faire excuser que moi. » Et il quitta le cottage.

Je continuai ma couture aussi longtemps que je pus, et dis ensuite bonsoir à Nancy ; je réprimai sa trop vive gratitude en l’assurant que je n’avais fait pour elle que ce qu’elle aurait fait pour moi si je me fusse trouvée dans sa position, et elle dans la mienne. Je me hâtai de retourner à Horton-Lodge ; en entrant dans la salle d’études, je trouvai la table à thé dans la plus complète confusion, et miss Mathilde dans l’humeur la plus féroce.

« Où êtes-vous donc allée, miss Grey ? Il y a une demi-heure que l’on a servi le thé, et il m’a fallu le faire moi-même et le prendre seule ! J’aurais voulu que vous revinssiez plus tôt.

— J’étais allée voir Nancy Brown. Je pensais que vous ne seriez pas revenue encore de votre promenade.

— Comment pourrait-on se promener à cheval par cette pluie ? J’aimerais à le savoir. Cette damnée averse a été assez fâcheuse, arrivant juste au milieu de ma promenade ; puis, rentrer et ne trouver personne au thé ! et vous savez que je ne puis pas faire le thé comme je l’aime.

— Je n’avais pas pensé à la pluie, répondis-je ; et vraiment la pensée qu’elle eût pu interrompre sa promenade ne m’était jamais entrée dans la tête.

— Non, c’est tout naturel ; vous étiez à couvert et vous ne pensiez pas aux autres. »

Je supportai ses durs reproches avec une merveilleuse placidité et même avec gaieté, car j’avais la conviction d’avoir fait beaucoup plus de bien à la pauvre Nancy que je ne lui avais fait de mal à elle. Peut-être aussi d’autres pensées soutenaient mes esprits, donnaient du goût à la tasse de thé froid que je pris, du charme au désordre de la table, et j’allais presque dire à la figure peu aimable de miss Mathilde. Mais elle se rendit bientôt aux écuries, et me laissa jouir toute seule de mon solitaire repas.