(l’église de Briarfield était à côté du presbytère) ; elle s’étonna de ce que le bruit des cloches ne les effrayait point.
M. Helstone émit l’opinion qu’ils ressemblaient aux jeunes fous qui viennent de s’unir, et que dans le premier moment rien ne peut troubler, tout entiers qu’ils sont à leur amour. Caroline, peut-être un peu trop encouragée par la bonne humeur dans laquelle elle se trouvait temporairement, hasarda ici une remarque qu’elle n’avait jamais osé faire aux observations de son révéré parent.
« Mon oncle, dit-elle, toutes les fois que vous parlez du mariage, vous le faites avec mépris ; pensez-vous que les gens ne doivent pas se marier ?
— C’est assurément le plus sage, spécialement pour les femmes.
— Est-ce que tous les mariages sont malheureux ?
— Des millions de mariages sont malheureux ; si tout le monde voulait dire la vérité, peut-être tous le sont-ils plus ou moins.
— Vous êtes toujours vexé lorsqu’on vient vous chercher pour marier un couple ; pourquoi ?
— Parce qu’on n’aime pas à prendre une part active à un acte de pure folie. »
M. Helstone répondait si volontiers, qu’il paraissait heureux de l’occasion qui lui était donnée de faire un peu connaître à sa nièce son opinion sur ce point. Encouragée par l’impunité dont avaient joui ses premières questions, elle se hasarda un peu plus loin.
« Mais pourquoi, dit-elle, serait-ce un acte de pure folie ? Si deux personnes s’aiment, pourquoi ne consentiraient-elles pas à vivre ensemble ?
— Elles sont fatiguées l’une de l’autre au bout d’un mois. Un camarade de joug n’est point un associé ; c’est un compagnon de souffrances. »
Ce ne fut point une naïve simplicité qui inspira à Caroline la remarque qui suivit : ce fut un profond sentiment d’antipathie pour de telles opinions, et de mécontentement contre celui qui les professait.
« On dirait que vous n’avez jamais été marié, mon oncle ; on dirait que vous soyez un vieux célibataire.
— En réalité, je le suis.
— Mais vous avez été marié. Pourquoi avez-vous été assez inconséquent pour vous marier ?