Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/199

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imprimeur à Lyon, épousa en secondes noces Jeanne de la Saulcée, la veuve de l’imprimeur, et il assuma la direction de l’atelier de la fin de 1528 aux derniers jours de 1529. Ivrogne et débauché, Jean Lambany fut une sorte de fléau pour ses proches, pour ses familiers, aussi bien que pour ses ouvriers qui peu à peu l’abandonnèrent. « Sa mort fut, malgré ses qualités incontestables d’imprimeur, un véritable débarras pour la raison sociale dont il avait la charge. »

Cet exemple certes est exceptionnel ; à notre époque, le type du « correcteur poivreau » se rencontre rarement : il est peu de ces ouvriers intellectuels qui n’aient assez de dignité, assez de souci d’eux-mêmes, pour s’arrêter sur la pente fatale. Aussi ce n’est pas sans un certain étonnement que, dans les Statuts du Syndicat des Correcteurs de Paris et de la Région parisienne, on voit figurer ces prescriptions :

Art. 29. — La radiation peut être proposée par le Comité à la majorité absolue des suffrages :
xxxx … 4° Pour intempérance ayant motivé le renvoi d’un syndiqué placé par le Syndicat.

Dans le Rapport de la Commission de revision des Statuts, cette clause inattendue est justifiée de la manière suivante : « Parmi les torts portés à la cause syndicale, il en est un que nous avons tout spécialement retenu : le renvoi pour intempérance. Évidemment, nous sommes en pleine hypothèse ; le cas ne se présentera jamais. Supposons cependant qu’il se présente. Nous ne voulons pas nous poser en champions de la tempérance ; nous connaissons toute la valeur de la liberté individuelle et nous la respectons jusqu’aux plus extrêmes limites de ses manifestations. Tout de même, il est bien désagréable, lorsque le Syndicat envoie un de ses membres chez un patron que celui-ci, au bout d’un temps plus ou moins long — moins long en général — se plaigne qu’au lieu d’un correcteur on lui ait envoyé un ivrogne, ou, ce qui est pire, qu’il confonde les deux… professions. Parce qu’un confrère « boit un coup », il ne s’ensuit pas que le Syndicat doive « trinquer ». Et le Rapporteur, qui s’est longtemps arrêté… non point devant le « zinc du mastroquet », mais à méditer les conséquences fâcheuses de l’intempérance d’un collègue… pour le Syndicat, demande à l’Assemblée « de ratifier l’article tel que la Commission le propose ».