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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/261

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SES DEVOIRS
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vices de cet employé, rôle qui se résumerait ainsi : « Le correcteur est chargé de rechercher les mauvaises lettres, les coquilles et les fautes d’orthographe. » Un point, c’est tout ! Assurément, c’est bien peu ; ce n’est même rien, pouvons-nous dire, s’il est vrai que les correcteurs de ces singuliers théoriciens ont su éviter à leurs chefs les conséquences parfois redoutables auxquelles ne manquerait pas d’aboutir une pratique de la correction ainsi comprise.

« Les fautes d’orthographe ne sont en effet qu’une très minime fraction des erreurs de tout genre qu’une lecture soigneuse permet de redresser.

« Il n’est guère de correcteur qui n’ait eu à lire de temps à autre, en premières ou en bon à tirer, des ouvrages classiques. Destinés à l’enseignement, ces travaux ne devraient contenir aucune erreur ; trop souvent cependant ils en présentent dont l’auteur ne s’est pas rendu compte, ou que dans sa hâte il n’a pris ni le temps de rechercher, ni la peine de rectifier[1].

  1. Les ouvrages classiques ne sont pas les seuls auxquels ce reproche puisse être adressé. Nous prendrons la peine d’on rapporter ici un exemple simplement parce que les faits auxquels il est fait allusion intéressent notre corporation.
    xxxx La Circulaire des Protes, dans son numéro de juin 1921 (n° 250, p. 94), publiait l’entrefilet suivant : « La Saint-Jean. Le premier document faisant mention de la Saint-Jean est une supplique des artisans du Livre au roi Charles VI, qui rendit, le 1er juin 1401, une ordonnance pour autoriser la corporation à se placer sous le patronage de ce saint et permettant de célébrer une messe en l’église Saint-André-des-Arts ; en 1488, Charles VII y fit admettre les imprimeurs ; en juin 1457, le roi Louis XI autorisa de nouveau, les libraires à faire partie de cette confrérie.
    xxxx « La Saint-Jean fut célébrée en grande solennité, le 24 juin 1504, à Mayence, dans la maison de Gutenberg : c’était alors saint Jeau-Baptiste.
    xxxx « C’est on 1572, sous Charles IX, que les imprimeurs français prirent pour patron saint Jean Porte-Latine, parce que ce saint avait été plongé, par ordre de Domitien, devant la Porte Latine, à Rome, le 6 mai 95, dans une chaudière d’huile bouillante, ingrédient de l’encre d’imprimerie. C’est, d’ailleurs, le même saint, mais « la fête du Précurseur » tombe le 27 décembre au lieu du 6 mai. »
    xxxx Étrange tissu d’erreurs !
    xxxx Confondre saint Jean-Baptiste le Précurseur, dont la fête est fixée au 24 juin, avec saint Jean l’Évangéliste, auteur de l’Apocalypse, dont le souvenir est rappelé le 27 décembre ; le Précurseur (qui eut la tête tranchée en l’an 32) fut martyrisé soixante-trois ans avant l’époque (an 95) où l’Évangéliste (mort en l’île de Pathmos, en l’an 101) subit, lui aussi, mais impunément, le martyre !
    xxxx Faire, en 1457, du dauphin Louis un roi de France, alors que son père Charles VII le roi de Bourges régnait encore en 1461 !
    xxxx Écrire que Charles VIII, en 1488, « fit admettre les imprimeurs dans la confrérie de saint Jean », puis que « les imprimeurs français prirent pour patron saint Jean Porte-Latine en 1572 » !
    xxxx Les écrivains, les enlumineurs, les libraires, les relieurs d’abord, puis plus tard les imprimeurs ne se placèrent jamais sous la protection de saint Jean-Bapliste le