Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ainsi, peut-on croire, le correcteur — entré tardivement dans la corporation après ses humanités, sorti du rang après les années obligatoires de l’apprentissage et quelque temps de compagnonnage — était vraiment estimé des auteurs, des maîtres et des compagnons. Il vivait, il travaillait au milieu de l’atelier, apprécié, soutenu, encouragé par les uns et les autres, sans que personne cherchât à diminuer ses mérites, ses capacités, ou à le reléguer à une situation inférieure.


B. — Considération accordée au correcteur
à l’époque contemporaine


L’éclat de la situation exceptionnelle occupée pendant plusieurs siècles par le correcteur, sous l’ancien régime, ne devait point disparaître avec le régime lui-même. Même à l’époque de la Révolution, de nombreux exemples prouvent que, tout au moins, notre corporation possédait encore des hommes éminents.

Pas n’est besoin de redire ici le souvenir de Brune[1], qui, au lieu d’être avocat, devint compositeur, imprimeur du Journal général de la Cour et de la Ville, puis maréchal de France, ou de Tallien[2], ce prote-correcteur, qui fut le collègue de Robespierre, puis son émule, son rival. D’autres noms rappelleront des souvenirs moins guerriers, moins redoutables certes, mais aussi glorieux pour les lettres. À ceux que nous avons déjà cités dans une autre partie de cet ouvrage[3], ajoutons les noms de Philarète Chasles, qui fut apprenti compositeur à Paris, prote-correcteur à Londres, et devint professeur au Collège de France ; ajoutons surtout les noms de Firmin Didot, puis de Pierre

    où l’auteur comme l’imprimeur désirent qu’il ne reste pas de traces d’un ouvrage, ou bien encore que les exemplaires en totalité ont chacun leur destination particulière ; alors il faut payer aux ouvriers un prix convenable pour les exemplaires qu’ils auraient en quelque façon droit d’attendre. Par là on se les attache, la confiance s’acquiert par la confiance, et cette réciprocité tourne encore au profit et des ouvriers et du directeur de l’imprimerie. » (Bertrand-Quinquet, Traité de l’Imprimerie, p. 278.)

  1. Brune (Guillaume-Marie-Anne), né en 1763, à Brive-la-Gaillarde, vint à Paris prendre les « formes de la procédure » ; pour vivre, il devint compositeur d’imprimerie ; il imprima lui-même son journal jusqu’au 30 octobre 1789.
  2. Tallien, né à Paris en 1769, fut prote de l’imprimerie du Moniteur ; il mourut en 1820.
  3. Voir chapitre ii, p. 90 et suiv.