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L’IMPRIMERIE
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verrons quelques lignes plus loin, se déroulèrent, en cette dernière année sur les bords du Rhin, ne permettent pas d’adopter cette manière de voir.

« Après avoir passé près de trois années », dans l’atelier même de Gutenberg, « à apprendre le métier dans tous ses détails, Jenson s’apprêtait à rentrer en France lorsqu’il connut coup sur coup la maladie et la mort du roi son maître, survenue le 21 juin 1461 ». Apprenant que « Louis XI congédiait tous les conseillers du feu roi » et n’avait que « trop de penchant à détruire tout ce qui était l’œuvre de son père », l’envoyé de Charles VII jugea prudent de rester à Mayence. Une année plus tard, le 28 octobre 1462, la ville était emportée d’assaut et mise au pillage par les troupes du prince Adolphe de Nassau ; l’atelier de Gutenberg était détruit, et les ouvriers dispersés allaient chercher fortune à travers l’Europe. Nicolas Jenson, oubliant sa patrie, se dirigeait, on ne sait exactement à la suite de quelles circonstances[1], vers l’Italie.

Certains auteurs — au nombre desquels il faut mentionner le savant Maittaire et, surtout, Sardini, un Italien auteur d’une vie de Nicolas Jenson — affirment que Jenson, après un long voyage et avant de s’expatrier définitivement, serait revenu presque secrètement à Tours passer quelque temps au milieu de sa famille[2]. Au cours de ce séjour,

  1. On sait que Gutenberg, Fust et Schœffer se séparèrent en novembre 1455 ; à dater de cette époque « deux imprimeries existèrent à Mayence ». La tradition dit que Nicolas Jenson travailla aux côtés et sous la direction de Gutenberg auquel il offrit sans doute ses services d’habile graveur. — Un auteur, dont nous regrettons d’ignorer le nom, affirme « qu’en 1462 Ulrich Zell, employé à l’atelier de Fust et Schœffer, ayant été obligé d’abandonner Mayence, se réfugia à Cologne et fonda en 1463, au couvent de Weidenbach, une imprimerie, où il forma de nombreux ouvriers qui répandirent ensuite par l’Europe l’art naissant : Nicolas Jenson, William Caxton, Théodore Rod… » Nous nous étonnons d’une telle affirmation : Nicolas Jenson, élève de l’atelier de Mayence depuis les derniers mois de 1458, n’avait, pensons-nous, nul besoin, en 1462, des conseils d’Ulrich Zell ; peut-être, ne pouvant rentrer en France, Jenson s’était-il décidé à suivre à Cologne Zell, élève de Fust et de Schœffer, mais ce fut assurément en qualité de compagnon ; en 1461, en effet, Nicolas Jenson estimait suffisante sa connaissance de l’art nouveau, puisqu’il songeait à venir rendre compte de sa mission au roi son maître.
  2. Jenson revint peut-être en France ; mais l’opinion de Maittaire et de Sardini doit être considérée comme inexacte, en ce sens que, d’après son testament, écrit à Venise en 1480, Nicolas Jenson serait originaire de Sommevoire, en Champagne, où vivaient encore, à cette date, sa mère, son frère et ses cousins germains. — Ni l’histoire ni la tradition ne disent que, pendant le séjour en Allemagne de Nicolas Jenson, sa femme et son fils, encore mineur (c’est-à-dire âgé de moins de vingt-six ans) en 1480 — au fait, Jenson était-il marié en 1458 ? — soient demeurés à Tours.