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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/324

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4. Le blanc pourra être parfois quelque peu plus fort ou plus faible, suivant que l’œil du caractère sera plus serré ou plus large.

Les espaces employées doivent en effet être proportionnées à la force de l’œil, à la forme du caractère ; il doit être tenu compte du blanc porté par certaines lettres, afin qu’elles paraissent également distancées ; enfin, l’espacement des mots doit être proportionné, le cas échéant, à celui des lettres entre elles, pour que la ligne reste bien lisible et que chacun des mots se détache bien : ainsi, dans les lignes composées de mots espacés, on ajoute à l’espacement normal un blanc équivalent à celui jeté entre les lettres des mots.

5. Dans les mots espacés[1], certaines lettres, rondes, évasées ou creuses, reçoivent un espacement moindre que les lettres pleines ; d’autres, en raison de leur forme, ne prennent aucun blanc :

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  1. La répartition égale et régulière des espaces est un des genres de mérite qui contribuent à la beauté d’un titre ; en conséquence, elle doit être l’objet de l’attention constante du compositeur. Mais, pour arriver à un bon résultat, il ne suffit pas de jeter entre les mots ou les lettres des espaces égales ; cette opération de l’espacement, exige un examen préalable. Parmi les lettres et, notamment, parmi les capitales, il s’en trouve qui, par leur forme arrondie, ou bien par leur rencontre avec certaines autres lettres, laissent soit devant, soit derrière, un blanc considérable, et, suivant l’expression typographique, « portent du blanc ». Lorsque les lettres peuvent être espacées, il est facile de remédier à ce vice originel : on diminue ou l’en supprime en pareil cas les espaces qu’on réserve pour séparer les lettres de forme carrée.

    À titre d’exemple, signalons le mot « AVIS », que l’on compose fréquemment en titre avec des caractères larges ; on voit qu’il existe un blanc assez prononcé entre l’A et le V, d’où aucune espace à mettre ; le blanc est moindre entre le V et l’I, donc espace de force moyenne ; enfin, entre l’I et l’S on devra, mettre une espace plus forte qu’entre les deux lettres précédentes ; le tout sera, ainsi proportionné de manière à présenter un aspect régulier à l’œil. — Prenons maintenant le mot « L’EUROPE » ; on devra, en espaçant ce mot, mettre une espace entre l’apostrophe et l’E, mais pas entre l’L et l’apostrophe, la lettre L portant du blanc. Si nous devions composer « L’ASIE », on ne devrait mettre aucune espace de chaque côté de l’apostrophe ; peut-être serait-il bon d’agir de même entre l’A et l’S, ou du moins n’employer qu’une espace très mince, moitié moindre que celle jetée entre les autres lettres du mot.

    Il est donc indispensable de tenir compte de la forme des lettres ; si les lettres n’étaient pas, quant à l’œil, également distantes, elles sembleraient appartenir à des mots différents : irrégularité pour l’aspect, confusion pour le sens, tels pourraient en être les effets.

    Telles sont les raisons pour lesquelles on espace souvent les lignes composées en grandes capitales ; autrefois, et pour les mêmes motifs, les titres courants composés en capitales étaient ordinairement espacés. On rendait ainsi les lignes plus lisibles en isolant les lettres et on dissimulait les irrégularités d’alignement qui sont plus visibles dans les capitales.

    Dans les lettres bas de casse, ce défaut est généralement insensible ; il ne sera visible et par conséquent ne devra être corrigé que dans quelques gros caractères.

    Il est nécessaire aussi de remédier parfois, par l’espacement, à des défauts de fonderie. Dans les bâtardes, certaines lettres présentent l’inconvénient de se coller contre les capitales sans aucun blanc d’approche ; dans les rondes, ce sont des lettres trop rapprochées qui rendent la lecture difficile ; d’autres fois, ce sont des accents, l’accent grave notamment, qui chevauchent