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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/619

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mettre en avant de ce vers un blanc supérieur à celui des autres lignes. Pour renfoncer un vers de 10 pieds mis avec des vers de 12 pieds, on met en avant 1 cadratin 1/2, 3 cadratins pour celui de 8 pieds, 4 pour celui de 7 pieds, et ainsi de suite en suivant à peu près cette progression. »

MM. Fournier et Breton préconisent, pour cette question du renfoncement des vers, la même règle, qui semble plutôt difficile à comprendre. Pourquoi le vers de 10 syllabes doit-il être renfoncé de 1 cadratin 1/2, et celui de 8 de 3 cadratins, soit 1 cadratin 1/2 de plus que celui de 10 ? Le vers de 7 syllabes sera renfoncé de 4 cadratins ; et, d’après Fournier, « les autres en suivant à peu près cette progression » ; d’après Breton,… « ainsi de suite en suivant à peu près cette progression ». — Mais quelle progression ? celle du cadratin par syllabe en moins, comme du vers de 8 syllabes au vers de 7 ; ou encore celle de 1 cadratin 1/2, pour 2 syllabes en moins, comme des vers de 12 syllabes à ceux de 10, et de 10 syllabes à ceux de 8 ? Dans ce dernier cas, à quel vers attribuer le cadratin et à quel autre le 1/2 cadratin ? Enfin pourquoi, dans la même poésie, un vers sera-t-il renfoncé de 1 cadratin, et son voisin de 1/2 cadratin seulement ? Mystère et confusion, cette progression est plutôt obscure, et il ne paraît point utile de la recommander.

Cette disposition paraît d’ailleurs empruntée au Nouveau Manuel complet de Typographie, de A. Frey, revisé par E. Bouchez[1] : « Règle générale, on les rentre de 1/2 cadratin par syllabe sur le vers alexandrin ; celui de 10 syllabes est donc rentré de 1 cadratin ; celui de 8, de 2 cadratins, etc., etc. Mais la rentrée de 1/2 cadratin étant fort peu sensible, parfois on ne tient aucun compte du 1/2 cadratin qu’exige la rentrée d’un vers dont le nombre des syllabes est impair, ou bien on le rentre de 1 cadratin tout entier : cela se fait particulièrement quand il n’y a pas plusieurs vers successifs de nombre impair. — Cependant il est des imprimeries où l’on rentre de 1 cadratin par syllabe : les vers de 10, de 8, etc., proportion trop forte, puisqu’elle chasse trop sur la droite les petits vers, qui finissent quelquefois par dépasser à gauche le milieu de la justification. Voici un moyen terme qui n’est pas toujours à dédaigner : 1 cadratin 1/2 pour les vers de 10 syllabes ; 3 cadratins pour ceux de 8 ; 3 cadratin 1/2 pour ceux de 7 ; 4 pour ceux de 8 ; et à partir de là observer le 1/2 cadratin par syllabe. »

Th. Lefevre : « Les vers se renfoncent en raison du nombre de syllabes qu’ils contiennent ; le renfoncement ordinaire est de 1/2 cadratin par syllabe de moins. » Et Th. Lefevre donne, à l’appui de la règle qu’il vient d’énoncer, un exemple dont M. E. Leclerc fait très heureusement la critique, sans le savoir.

M. E. Leclerc : « Le renfoncement des vers, subordonné au nombre de syllabes, semble établi à raison de 1/2 cadratin par syllabe, bien que plusieurs auteurs préconisent le renfoncement de 1 cadratin. Cette seconde méthode aurait toutes nos préférences, car le blanc du 1/2 cadratin n’est pas assez accentué, et, en tout cas, ne correspond point à la largeur des syllabes ordi-

  1. Édition de 1857, p. 353.