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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/830

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Il semble que, de tous temps, le typographe ait cherché à donner à la matière parfois un peu aride du manuscrit dont la composition lui était confiée un aspect agréable, plaisant, par l’emploi d’ornements dont, aux premiers âges de l’imprimerie, les graveurs et les fondeurs même les plus célèbres créèrent les types. Ces ornements, d’ailleurs, devaient, et par leur forme et par leur genre, varier avec le style des temps et, suivant J’opinion de Frey[1], être parfois entièrement négligés.
xxxx De nos jours les filets sont fondus soit un plomb, soit en cuivre ; ils sont

  1. Pour l’édification du lecteur, il parait, utile de rapporter ici ce que, dans le Nouveau Manuel complet de Typographie (édition de 1857), Bouchez, peut-être après Frey, disait des vignettes de son époque :
    xxxx « Avant Fournier le jeune, la vignette mobile était très défectueuse, et c’est à ce célèbre typographe (1764) que sont dus les premiers perfectionnements qu’elle a reçus. En fondant sans talus et sur des épaisseurs déterminées celles de son invention, il déchargea le compositeur du soin d’opérer les jonctions. — Les frères Gando, Jean-Pierre Fournier, Philippe Grandjean et Louis de Sanlecque, Joseph Gellé, Vibert, Frnnçois-Ambroise et Pierre-François Didot, ces célèbres graveurs qui, au xviiie siècle, jetèrent sur la typographie un si brillant éclat, nous ont aussi laissé de beaux types en ce genre. — Mais depuis 1789 l’ornementation des livres fut complètement négligée, jusqu’à ce qu’en l’année 1820 elle devint une mode, c’est presque dire une fureur.
    xxxx Parmi les artistes qui de nos jours se sont particulièrement distingués dans la gravure des vignettes, on doit citer MM. Didot, Molé, Laurent et de Berny, Petibon : tous entrèrent dans la voie de perfectionnement qu’avait ouverte devant eux leur confrère M. Laboulaye par l’importation des vignettes allemandes, dont la gravure aux fines hachures devait stimuler le talent de si dignes rivaux. — Bientôt M. Garnier se distingua par une combinaison nouvelle, et ses cadrats prismatiques produisirent une heureuse innovation dans cette partie de l’art du fondeur.
    xxxx En 1849, M. C. Derriey publia un spécimen de vignettes combinées avec des cadrats tournants, dont on a pu dire sans exagération : « D’un dessin riche et moderne, ces vignettes offrent de nouvelles combinaisons et une collection de traits élégants qui permettent au compositeur de rivaliser avec le crayon capricieux et hardi du lithographe. »
    xxxx Notre auteur condamnait les portiques, colonnades et autres dispositions de vignettes pour l’agencement desquelles M. Brun conseille de se conformer aux principes architectoniques de Vignole (V. Cadre). L’abus de ce genre d’ornementation est peut-être allé jusqu’au ridicule ; mais, pour avoir été maladroitement mises en œuvre, les jolies vignettes de M. Petibon ne méritent certes pas la réprobation : artistement combinées, elles reproduisent tous les membres de l’architecture religieuse : frises, entablements, clefs de voûte à pendentifs, colonnades, niches à saints, avec une précision telle que les gens les plus méticuleux s’en accommodent volontiers. — On peut en dire autant des vignettes rocailles, vignettes gothiques, arabesques, etc., des spécimens de M. Battenberg, remarquables surtout par leur élégante légèreté. — Les spécimens
    de MM. Renaud et Robeis offrent également à la typographie ornementale de précieux matériaux.
    xxxx Imprimées sans encre, dit M. Brun, les vignettes camées (fond noir) font l’effet d’une gaufre ou d’un timbre sec ; quand on sait les assortir avec goût et les faire tomber bien en registre, dans d’autres vignettes tirées à l’encre noire ou en couleurs, elles produisent un effet des plus gracieux. — Pour les bien faire venir, il faut mettre sur le tympan, entre deux marges, un morceau de cuir ramoiti, et, tirer ferme. La carte ou le papier seront un peu plus trempés que pour un tirage ordinaire. »
    xxxx On peut maintenant faire remarquer que, depuis et peut-être comme conséquence de l’Exposition des Arts décoratifs de 1925, un style prétendu nouveau s’est établi en l’imprimerie comme en diverses autres branches des arts. Ce style utilise la vignette ronde, carrée, triangulaire ou d’autre sorte, forte et épaisse, ainsi que le filet dans toutes ses formes, dans tous ses types gras et demi-gras, — avec une impression en couleurs, jaune, rouge ou bleue, qui atténue leur lourdeur en leur donnant parfois un cachet de réelle originalité. Mais on peut songer que certains des fondeurs et des typographes nommés ici par Bouchez pourraient volontiers se prétendre les ancêtres de ce style renouvelé des arts antiques.