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III

LE MÉCANISME DE LA COMPOSITION


a) L’ouvrier, pour composer, se place devant la casse dressée, et face au milieu de cette casse ; il se tient debout[1] — ce qui assure mieux la liberté de ses mouvements, — la tête droite, les coudes à la hauteur du rang, le corps parfaitement d’aplomb sur les deux jambes. Le composteur est placé diagonalement dans la main gauche : les quatre doigts repliés l’embrassent en le supportant, tandis que le pouce ramené en dessus le maintient également. Au début de la composition, la dernière phalange du pouce est posée sur le talon mobile, presque perpendiculairement au fond du composteur. Au fur et à mesure que les lettres et les mots sont assemblés, la main gauche, par un mouvement simultané des doigts et du pouce, avance doucement, faisant en quelque sorte glisser le composteur d’avant en arrière ; le pouce maintient les lettres, en se plaçant toujours sur la dernière. À l’aide du pouce également, le typographe s’assure que la lettre

  1. On s’est demandé — et, une polémique s’est engagée sur ce grave sujet — si le compositeur doit travailler de préférence debout ou assis.
    xxxxL’usage, les habitudes, certaines exigences de la profession veulent que l’ouvrier travaille debout.
    xxxxMais les hygiénistes déclarent que le typographe doit, autant que possible, travailler assis. Ils appuient leur manière de voir de raisons dont le bien-fondé n’est point contestable.
    xxxxC’est un fait reconnu, disent-ils, que beaucoup de compositeurs souffrent des jambes. Avec les années, des maladies se déclarent, dont l’origine tient à la façon dont ces ouvriers ont été obligés de travailler au cours de leur apprentissage, alors que leur constitution n’était pas encore assez forte et leur corps assez formé pour résister à la fatigue d’une station debout prolongée du matin au soir. Les positions anormales au cours du travail que l’on constate chez nombre de typographes n’ont pas d’autre origine : les uns lèvent tantôt un pied, tantôt l’autre ; certains portent tout le poids du corps sur une jambe, alors que la deuxième se repose sur les rayons du rang.
    xxxxCes positions n’ont d’autre but que d’alléger, de diminuer la fatigue.
    xxxxCependant la souffrance prolongée indéfiniment est telle qu’elle provoque le gonflement des veines des jambes ; la circulation du sang est irrégulière, de fortes démangeaisons en sont d’abord la moindre conséquence, aboutissant parfois à des déchirures très longues à se cicatriser.
    xxxxL’apprenti, en dehors des heures de distribution qu’il peut faire assis, devrait non seulement être autorisé, mais parfois obligé à travailler assis, alors qu’il se tient à la casse.
    xxxxLe typographe de travaux de ville échappe dans une certaine mesure aux inconvénients de la station debout ; les déplacements auxquels il est astreint sont une trêve heureuse à la fatigue particulière à l’immobilité debout.
    xxxxL’opérateur de machines à composer travaille assis, et certes c’est la position qui, incontestablement, facilite le rendement. Il semble que l’on pourrait, tout aussi aisément avec un système particulier de sièges, conserver aux compositeurs aux pièces la liberté de mouvement qui leur est indispensable, et en vertu de laquelle on le contraint à la station debout.