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Page:Brown - Pages intimes 1914-1918.djvu/20

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Épiant le signal, attendant le moment :
Ils allaient donc pouvoir s’expliquer librement !
Enfin ! Après des mois d’angoisse indéfinie,
Des plus cruels tourments endurant l’agonie,
Ballottés nuit et jour de la crainte à l’espoir
Sous le joug policier, — ils allaient donc savoir !
N’avait-on pas offert, comble d’hypocrisie,
Leur délivrance au prix de leur apostasie !

Silence ! Les voici tour à tour appelés,
Les hommes résolus et les femmes viriles,
Et les adolescents pleins d’une ardeur fébrile,
Échangeant des regards de tendresse voilés ;
C’est toute la Patrie, auguste en sa détresse,
Qui, dans cet Hémicycle, à leur appel se dresse,
Et des bustes royaux le marbre immaculé
Reçoit un long salut de leur cœur envolé.
Silence ! Les voici tour à tour à la table
Où siège en grand gala le Conseil redoutable.

— Dites vos noms ? prénoms ? votre religion ?
Catholique sans doute ? Et Flamand ou Wallon ?
— Belge, répond la voix, que le sang-froid maîtrise,
Empreinte d’un mépris égal à la Traîtrise.

— Je vais vous résumer les charges ; écoutez !
Dit le juge en sa langue. — En vain l’oreille écoute.
Ironiques tantôt et tantôt emportés,
Les sons, en frappant l’air, volent jusqu’à la voûte,
Enflés jusqu’à l’injure. Insensible au discours,
L’accusé, sans comprendre, en devine le cours.
À son tour quelque vague interprète ramasse



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