Page:Brown - Pages intimes 1914-1918.djvu/22

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Où le toucher, le juge ? Au cœur ? À la figure ?
Où trouver sûrement le défaut de l’armure ?
« Sans pitié pour tous ceux que ses coups vont broyer,
» N’a-t-il pas des enfants, là-bas, à son foyer,
» Auxquels il n’oserait raconter cette histoire ?
» Et puis, si par hasard la chance avait tourné,
» Si c’était nous, le juge, et lui, le condamné,
» N’aurait-il pas cherché, lui, dans sa soif de gloire,
» À sauver son pays et n’aurait-il pas fait
» Le geste valeureux qu’il appelle un forfait ? »
À ces accents nouveaux, un éclair illumine
Les fronts endoloris, les faces où la mort
A projeté son ombre ; — et, sous ce réconfort,
C’est maintenant l’orgueil, la fierté qui domine.
Alors, questionnés pour la dernière fois,
S’ils ont tout déclaré, s’ils confessent leurs crimes,
Se levant, solennels, ces civils, ces bourgeois,
Chacun trouve en son cœur des paroles sublimes.

Si vous êtes la Force, ose un Religieux, même,
Vous n’êtes pas le Droit. — Je l’aurais fait quand même,
Dit une jeune femme, à l’œil noir, au teint blême,
Si mon frère et si moi ne l’avions fait à deux.
D’autres traits fendent l’air, de ce ton, de ce style.
— Pouvais-je violer pour vous le droit d’asile ?
— Quand on fait son devoir, on ne distingue pas
Entre les malheureux qu’on arrache au trépas. —
Ainsi la Charité, descendant de son trône,
Sait faire de sa vie à l’ennemi l’aumône.
Ah ! pauvre miss Cavell ! À l’appel de son nom,



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