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Page:Brown - Pages intimes 1914-1918.djvu/40

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On la prend, elle aussi, la Cloche Impériale,
Le trophée enchâssé dans une cathédrale,
— Plus noble que Pallas protégeant Ilion —
La cloche qui par l’eau, par le feu fut bénie,
Celle que suspendit au Dôm la Germanie,
Après les jours sanglants, pour que son carillon,

Comme un divin message, apportât sur son aile
La promesse aux humains d’une paix éternelle,
Et pour qu’aux nations de bonne volonté
Le bronze des canons dont elle fut coulée
Vînt prêcher la concorde et, par son envolée,
Annoncer le retour de la fraternité.

Or voici qu’on l’arrache à son céleste asile,
Mais la cloche pieuse, à leur ordre indocile,
De tout son poids s’accroche aux pierres d’alentour,
Et tandis qu’on s’apprête, au soir de cette année,
À l’abattre, son âme à jamais profanée
S’exhale dans un glas qui fait trembler la tour.

Retentissant au ciel comme un appel suprême,
Sa prière s’achève en un cri d’anathème.
Elle dit : « Ô Seigneur, j’invoque ton saint nom !
» Brise l’engin qui retiendrait mon âme enclose
» Et le charme infernal de la métempsycose
» Qui la ferait rentrer dans l’âme d’un canon ! »



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