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guère qu’à la rivière Bleue, où Brazzaville a envoyé chercher tous ses bois de charpente, et encore ne couvre-t-elle pas, comme plus haut, tout le pays. Un peu avant le Kassaï, on passe à N’Gantchou, la route qui mène à M’Bé, résidence du Makoko, le souverain Batéké qui traita, le 10 septembre 1880, avec M. de Brazza et plaça les deux rives du Congo sous notre protectorat, ce qui nous permit d’installer le sergent Malamine à N’tamo, emplacement actuel de Léopoldville, où Stanley le trouva non sans surprise quelques mois plus tard.

Au nord de l’embouchure du Kassaï, grande et belle rivière qui vient de l’Est, s’élève la mission de Berghe Sainte-Marie, où sont des jésuites belges. À partir de là, le fleuve s’élargit un peu et atteint 2 à 3 kilomètres, mais il ne s’étale vraiment qu’à partir de Tchoumbiri. Là, il devient un petit bras de mer large de 9 kilomètres, semé d’îles nombreuses, basses et peu boisées en général, dans lesquelles s’ébattent des troupeaux de bœufs sauvages et d’hippopotames. À Bolobo, il y a une importante mission protestante, que dirige depuis fort longtemps un illustre pionnier de la première heure, M. Grenfell, qui a exploré tant d’affluents du Congo avec le Peace.

On arrive bientôt après à l’embouchure de l’Alima. Ses sources ont été découvertes en 1878 par MM.  de Brazza et Ballay. Plus tard son cours assurait nos communications avec l’Océan. On remontait l’Ogooué jusqu’à Franceville et, après un portage de 150 à 200 kilomètres, on atteignait Dielé où l’Alima devient navigable. C’est par là qu’on a fait passer les pièces de nos premiers vapeurs, le Ballay, l’Alima, le Djoué. À l’heure actuelle, cette voie est délaissée et seuls les missionnaires y sont installés dans deux missions. Le pays est riche, il produit des huiles de rapha très bonnes et surtout un tabac excellent qui s’exporte fort loin, même dans l’État indépendant. Ce tabac est fort apprécié des Européens qui le fument à l’exclusion de tout autre ; on l’achète au passage dans les factoreries de Bonga contre des bouteilles vides ; maintenant que le chemin de fer relie le Pool à l’Océan, on va sans doute pouvoir l’exporter en Europe.

Le fleuve s’élargit encore en face de Bonga où il atteint 20 kilomètres. Bonga est sur le delta de la Sangha tout près de l’embouchure de la Likouala. C’est le port d’attache des petits vapeurs qui remontent la Sangha et c’est un grand marché d’ivoire ; mais on est au milieu des marais, et le pays est infesté de moustiques, ce qui rend le séjour peu agréable.

Pour rejoindre le Congo, on prend un canal très sinueux, très étroit, 30 à 40 mètres de large, dont les bords sont couverts de papyrus et d’herbes que les hippopotames affectionnent particulièrement. Aussi est-ce par troupeaux de 50, parfois même de 80 à 100, qu’on les voit au loin. Beaucoup de caïmans descendent mélan-