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Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/111

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KERMARIA

et, en deux mots, je la formulerai tout à l’heure, mais je sais aussi et j’affirme que la partition de Kermaria représente l’effort très considérable d’un compositeur qui, ne l’oublions pas, débute, et qui, s’il le veut, se placera bientôt au premier rang. M. Erlanger possède un don d’évocation extrêmement précieux. Son prologue où, dans la violence sonore, sont exposés quelques-uns des thèmes essentiels de l’ouvrage, est d’une curieuse allure tragique. Au premier acte, le travail de ces thèmes, la mise en œuvre d’autres motifs deviendront très intéressants et, dès le lever du rideau, l’auteur, par son ingéniosité mélodique, par son coloris instrumental, saura nous faire éprouver l’impression de la Bretagne aride, monotone et désolée. Remarquez la petite scène du commencement, où la gravité douloureuse de l’ermite est mise en opposition avec les sonneries pittoresques de la marche chouanne ; notez la candeur du thème d’amour, si gentiment syncopé ; le trait brutal qui caractérise Yann ; la bonhomie simple du motif des parents ; le dessin gothique de celui de Kermaria, avec son accompagnement en quintes, de si amusante barbarie ; la musique de l’orgue, mystérieuse, légendaire, primitive, et goûtez la mélancolie profonde de ce tableau. Cette mélancolie s’étend jusque sur le chœur des bonnes