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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

était bon de diriger son choix vers l’Anneau du Nibelung, œuvre essentiellement typique en sa surhumaine contexture, en ses gigantesques proportions, où sont le plus clairement exposées les véritables idées rénovatrices de Richard Wagner et qui, lors de l’inauguration du théâtre de Bayreuth, excita, avec une violence sans égale, les colères terrifiées, les réprobations exaspérées, les clameurs furibondes du vieux dilettantisme, toujours prêt à partir en guerre inutile contre l’inéluctable renouvellement des choses.

Aujourd’hui, par le pouvoir sublime du Génie et la volonté souveraine du Temps, ce vieux dilettantisme, s’avouant vaincu, est passé à l’ennemi, tout simplement. Est-il besoin de dire combien nous nous en réjouissons ? Mais, cantonné dans la citadelle wagnérienne, s’il glorifie maintenant la parfaite beauté esthétique de l’art qu’il combattait jadis, il oppose cet art prodigieusement audacieux à toutes les audaces nouvelles, et lorsque M. Camille Saint-Saëns, un musicien quelque peu renseigné, écrit que dans l’Anneau du Nibelung il y a des « harmonies qui ne seraient approuvées par aucun Conservatoire, qui, à la lecture, paraissent impossibles et qui, à l’audition, sont délicieuses », le vieux dilettantisme affirme avec un grand sérieux que Richard Wagner a toujours employé des enchaî-