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Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/133

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LA DAME BLANCHE

sion ou du pathétique, mais chef-d’œuvre de grâce légère, d’adresse aimable, de charme galant, de sentimentalité spirituelle et parfois — je prie qu’on le remarque — de poésie mélodique et harmonique. Chef-d’œuvre incontestable, très supérieur, je crois, musicalement, à ce qu’en pensent, avec des opinions bien différentes, les vieux et les jeunes outranciers de l’art.

On se rappelle peut-être l’amusante conversation que Berlioz, après avoir manqué le prix de Rome, échec dû au juste sentiment grave et funèbre de sa cantate, eut avec Boïeldieu. Celui-ci, reprochant au futur auteur des Troyens son effort vers la vérité de la déclamation, lui dit : « Comment approuverais-je vos tendances, mon enfant, moi qui aime par-dessus tout la musique qui me berce ? On peut toujours être gracieux… » Il s’agissait de la mort de Cléopâtre empoisonnée par l’aspic.

Boïeldieu résumait ainsi admirablement les idées françaises de son époque. Les spectateurs d’alors voulaient, même dans les situations les plus violentes et les plus terribles, être bercés par l’inoffensif ronron des musiques gracieuses. La Dame blanche, avec son joli titre romanesque, évitant le faux drame, de ridicule expression, restant sur le ton de la comédie tem-