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Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/139

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LE VAISSEAU FANTÔME

le drame du Vaisseau fantôme devait trouver sa forme définitive.

Ce symbole, par la suite, s’imposa d’autant mieux à l’imagination de Wagner qu’il était, en quelque sorte, le signe représentatif de sa nouvelle existence. Arrivé à Paris, perdu sur les ondes sans rivages de la ville houleuse, jeté de directeur en éditeur, nageant dans la misère noire et s’obstinant à ne pas s’y noyer, la tête bourdonnante du fracas des vagues inhospitalières, emporté dans le tourbillon des flots du vaste monde, il lui faut bien donner un corps à ses visions d’humanité. Avec la vie, d’un coup, son art lui fut révélé, et c’est de la vie, de la vie intense, grondante, infatigable comme le flux et le reflux des mers éternelles qu’est né son œuvre, par cela même si puissant et si beau, œuvre de vérité et d’espoir, qui commence dans le furieux ouragan du Vaisseau fantôme pour finir en la paix divine de Parsifal. Maudissant, un jour de pauvreté plus grande, les viles besognes à peine rémunératrices, Richard Wagner, fasciné par l’impérieux avenir, se mit au travail et, six semaines après, vainqueur du temps et de la pensée, il achevait sa partition, ayant, non pas créé le drame lyrique, mais semé la bonne graine d’où il devait sortir.