Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

prosternement de repentir et d’espérance. D’autre part, je crois que d’aucun volcan ne saurait jaillir une coulée de lave incendiaire pareille à celle qui, bouillonnante, sans cesse grandissante et hurlante, brûle, tord, corrode les pages de la partition de Tristan et Yseult, et je pense que, si la terre se refroidissait un jour, devenait l’énorme glaçon prévu par quelques-uns, le souvenir de ces deux noms enlacés suffirait à jeter encore aux bras des amants les amantes qui, à travers les siècles, tressailleront aux chants alternés puis entre-croisés et délicieusement meurtriers du souverain poème de la passion et de la mort. Enfin, des géants et des dieux, des valkyries et des ondines, des gnomes et des nains, des chaos et des mondes, des aurores et des crépuscules, des flammes et des eaux, de tout ce qui, dans les quatre parties des Nibelungen, se heurte et se tue, lutte et triomphe, resplendit au soleil légendaire ou s’abîme en les ténèbres préhistoriques, nous ressentons une sorte de stupeur, due aux proportions gigantesques de l’œuvre, à sa portée prodigieuse, à son enfantement miraculeux, hors nature, si l’on peut dire. Et Lohengrin et Tannhäuser, nous montrant l’inconnu, nous ouvrant la porte de l’idéal, idéal païen et idéal chrétien, nous émerveillent aussi, et la tempête du Vais-