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Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/175

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FERVAAL

de talent, du talent le plus haut, le plus ferme, le plus décidé ; elle commande le respect un peu mélancolique, l’admiration très étonnée, par le prodigieux effort dont elle témoigne, mais elle émeut bien rarement, ennuie souvent et chagrine. Car, si prestigieuse et même si puissante qu’elle soit, l’œuvre, soumise en sa conception comme en sa réalisation à un génie très différent du nôtre, écrite plutôt dans la froideur de l’entêté raisonnement que dans la joie de l’humaine création, ne fera pas avancer d’un pas noire art. Cette conception de l’amour infécond, du bonheur dans la mort, reprise ainsi, me navre plus que je ne saurais le dire, car elle est antifrançaise au premier chef. Ces brouillards, au milieu desquels il peut nous plaira de vivre lorsque nous allons dans les pays où toujours ils flottent, vont-ils donc maintenant voiler notre soleil, désespérer notre cœur et tomber sur nos têtes en une lourde pluie glaciale ? Comment le maître ouvrier des sons qui a écrit la partition de Fervaal n’a-t-il pas compris que la bataille n’est plus sur le terrain où il s’est placé, que les temps marchent et que l’on réclame déjà autre chose que ce qu’il nous a donné avec son extraordinaire talent de compositeur ? Une tristesse vient de cette force immense et magnifique presque perdue, alors qu’elle eût pu être glo-