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GUILLAUME TELL

tout ce qui, çà et là, atteste l’improvisation hâtive, le désir de plaire facilement, n’importe comment, révèle l’oubli des lois de vérité dramatique ; toutes les faiblesses de style ne trouveront plus leurs défenseurs de jadis. Mais, en revanche, que de choses superbes ont été mises en valeur par l’action puissante du Temps ! D’abord ne s’aperçoit-on pas qu’un sentiment de la nature, magnifiquement exprimé, donne à la partition, dès les premières pages, un air de haute noblesse ? Sans parler de l’ouverture, curieusement agreste, malgré sa conclusion brutale, de quelle grandeur et de quelle grâce à la fois sont empreints les divers épisodes musicaux de la fête des campagnes, traversés par l’appel lointain des cors de Gessler ; combien admirable est le tableau de la réunion du Grütli, où les représentants de chaque canton apportent avec eux l’atmosphère même des villages qu’ils habitent, et quel étonnant coup de soleil tombe sur la scène finale, dissipant, en une aube de liberté, les nuages qui enveloppaient les lacs, les montagnes, les bois ! Jamais la poésie spéciale d’un pays n’a été mieux traduite. Et puis, quand Rossini l’a voulu, quelle fermeté, quelle énergie dans la déclamation ; quel souffle, quelle ampleur dans les passages patriotiques ; quelle richesse, quelle couleur dans l’orchestration et,