Aller au contenu

Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
BRISÉIS

et, aussitôt, l’équilibre, l’unité de la composition deviendront impossibles. D’ailleurs, qui donc eût osé s’emparer de la plume tombée d’une telle main, se substituer à un pareil poète et se vanter ensuite d’avoir deviné sa pensée d’outre-tombe ?…

Le tempérament, la personnalité — j’ajoute la puissance et la tendresse, l’exubérance passionnée et la bonté joyeuse — furent précisément les qualités dominantes de Chabrier. Ceux qui, pour servir un art très différent, ont, au lendemain de la triomphale audition du concert Lamoureux, audition qu’il convient de rappeler, affecté de méconnaître ces évidentes qualités, le regretteront, car, à parler franc, jamais elles ne s’étaient encore affirmées avec la force qui se manifeste ici. Ecoutons, dès le début, — Briséis n’a ni prélude ni ouverture — le chœur lointain des matelots, si légèrement, si délicieusement enveloppé d’orchestre. Vague, indistinct d’abord, on le peut prendre pour l’appel de quelque Néréide. Mais quand la galère apparaît dans le clair de lune, portant Hylas et ses compagnons, le chant grandit et éclate en la surprise d’une brusque modulation. Que l’on rame plus doucement, que l’ancre soit jetée et que les voiles se plient, car Hylas, avant de courir les flots, veut saluer d’un adieu la vierge Briséis, sœur musi-